Sabine Dewulf et Florence Saint-Roch, Tu dis délivrer la lumière
Voici un charmant petit ouvrage où se mêlent de façon rigoureuse et harmonieuse la photo et le texte. Cela est rare et mérite d’être souligné.
Dès le début, se précise comment un protocole s’est mis en place, fondé sur le don et le contre-don. Entre deux femmes, deux amies. « Lorsque Florence m’a offert la première photographie, je me suis sentie délicieusement entraînée dans une démarche inédite » dit Sabine. Et Florence de lui répondre : « Alternativement, chacune de nous deux proposait à l’autre une photo qu’elle avait prise, à charge d’écrire l’une et l’autre un poème en regard. Puis, après avoir partagé nos poèmes, nous en écrivions un second en répons. (…) » Treize fois, donc, revient un ensemble formé d’une photo, alternativement proposée par Florence puis Sabine (sauf une exception), suivie par quatre poèmes, deux de Sabine, deux de Florence. Les polices de caractère, italique ou romaine, permettant de reconnaître les deux poètes et les deux voix.
Sabine Dewulf et Florence Saint-Roch,Tu dis délivrer la lumière, Editions Pourquoi viens-tu si tard, ISBN 978-2-919113-99-6.
Il s’agit, en « sautant dans l’inconnu de l’Autre » de trouver « de l’inédit en soi », en même temps « préserver l’énigme » et « trouer l’obscur ». Quel beau projet ! Chacune à sa manière et selon sa complexion ou son énergie répond à l’autre, répond de l’autre, se répond à soi l’autre et les textes se tissent ainsi à l’écoute de ce que « Tu dis ». Ce « Tu » qui dit, ou qui tait autrement, il convient d’en entendre sans pour autant la saisir, la singularité. Et les photos qui ouvrent ainsi les échanges sont le plus souvent évocatrices, énigmatiques.
Un livre sans verso, tout s’y écrit et s’y voit au recto, comme s’il fallait laisser de la place au blanc, au silence, à l’envers, à la lenteur de ce qui est dit, de ce qui est écouté, de ce qui est « tu » dans le « Tu ». Ainsi glisse-t-on d’un dialogue à l’autre de façon fluide. Et se tissent ensemble le « on », le « nous », le « je » le « tu » comme autant de déclinaisons au mystère d’être, de dire, de voir, d’entendre, de s’entendre.
Un livre questionnant, où chacune propose et répond et chaque réponse, à son tour, questionne « On appareille pour cesser d’être les mêmes » et chacune se demandant tour à tour jusqu’où cela va la mener : « Cela ne nous mènera pas loin / On le sait » Pourtant, « Bondir de l’avant » (…) « On comprend l’essor et l’envol / Jusqu’au chant des oiseaux qui s’élucident » … « l’eau elle ira jusqu’au bout » et le petit livre, lui, nous conduit des feuilles mortes jusqu’aux étoiles.