Sabine Venaruzzo : Et maintenant j’attends & autres poèmes

Par |2021-09-05T18:35:47+02:00 6 septembre 2021|Catégories : Poèmes, Sabine Venaruzzo|

ET MAINTENANT, J’ATTENDS

A Kho­jali, jeune soudanais ren­con­tré à l’église de Vintimille

Et à Marc-Alexan­dre Oho Bambé 

 

 

 

Je suis né dans un rouge paysage

Par­fumé d’entrailles et de poussières

Où les balles se fondent dans les corps

Où les enfants jouent aux billes de plomb

 

Et main­tenant j’attends

 

J’ai écrit dans mes mains le nom de ma mère

Juste sous mon pied le jour de ma naissance

Et j’ai marché sur les chemins d’espérance

Tenu les mots qui se per­dent dans le vent

 

Et main­tenant j’attends

 

J’ai quit­té mon frère à la sec­onde où

Je suis par­ti sans le choix de rester

J’ai offert ma force au désert de sang

Pour chercher l’or au cen­tre de la terre

 

Et main­tenant j’attends

 

J’ai sauté par-dessus une frontière

Dans un éclat de rire j’ai crié

Me voici l’oiseau de la liberté

Mais déjà les ailes se dérobaient

 

Et main­tenant j’attends

 

Le regard encer­clé de barbe-lés

J’ai souf­fert les coups de l’extrémisme

Fait saign­er mes mains pour qu’elles se souviennent

Moi qui suis par­ti sur les chemins

 

Et main­tenant j’attends

 

Que s’effacent les sou­venirs d’un trait

Que mon corps s’allège de mon histoire

Pour que la vague m’emmène loin loin

Juste de l’autre côté du miroir

 

Et main­tenant j’attends

 

J’ai caché mon corps dans la blanche écume

Retenu des mains et des pieds sans tête

Mais ne pou­vais sec­ourir l’autre moi

La mort fauchait sans faille les plus faibles

 

Et main­tenant j’attends

Dans un verre de lait

Cru­ci­fié dans la main

Envelop­pé de fleurs imprimées

Les pieds fon­dus dans le bitume

Je grève la faim

Dans une assi­ette en carton

Je n’ai rien recherché

Sinon la liberté

Ou un souf­fle de vie

Ou d’être humain sur terre

 

Et main­tenant j’attends

 

Dans une folle mêlée

Je frappe le ballon

Et je joue au pays

Qui percera ma cage

Je n’ai plus qu’un rêve

Qui annule les souvenirs

Et qui vit dans le va-et-vient

De la nuit et du jour

Je brûle d’attendre

Comme je brûle de partir

Je suis un Noir cramé

Au bord d’un pays libre 

Où je ne suis pas né

 

Et main­tenant j’attends

 

La lib­erté serait mathématique

Alors je retourne à mes études

Et j’observe la con­fu­sion de l’homme

Dans le micro­scope de la vie

 

Sous mon pied je tente d’effacer

L’empreinte matricule

Mais sur la carte aux trésors

Il n’est pas admis

 

Alors j’attends

 

Comme un Noir cramé

Dans un corps container

Au bord d’un pays

Qu’on appelle lib­erté

 

Arrêts sur image

 

Soudain

Soupirs courts

Petits pas reculons

 

***

 

A tra­vers nuages

La vie m’éclabousse

Mal­gré elle

 

***

 

J’ai pris la main

D’un désir

Échap­pé du ciel

 

***

Auto dafe

Il n’y a plus de mots dans ma tête

Ils ont brûlé

J’avais lais­sé ma cig­a­rette se con­sumer au bord de mes lèvres

 

***

 

J’ai plac­ardé la soli­tude sous un toit

Avec vue sur le monde d’en face

 

***

Sens titre

 

Un cad­dy nomade chante sa soli­tude au bal­ayeur de nuit

Le sens s’est endor­mi dans ses lettres

Et plus rien

Sauf peut-être

Le drap retient le dernier souffle

L’œu­vre inachevée de l’employé du monde

Ramas­sant les rues dans ses couvertures

 

Foutu temps.

Les herbes sont folles.

La pluie les a ren­dues folles.

Et les pieds s’agitent dessus.

Mouil­lées elles rient follement.

 

Prési­dente

Prési­dent mon amour

Par ces mots adoucir

Toute la haine déversée

Sur les murs virtuels

Prési­dent mon chéri

Je te vois sous la pluie

Annon­cer ton départ

Au pied d’un mur falaise

Prési­dent de ma France

Petit coeur République

A passé le temps dur

Va chang­er maintenant

Prési­dent mon amant

J’ai flirté politique

Et je crie à la craie

Les mur­mures d’une poésie

Bien­tôt Présidente.

 

Insom­nie

Et le corps tra­ver­sé de pluie

J’embrasse l’ar­bre orphelin

J’en­terre quelques fleurs

Au pied d’un réverbère

Et j’a­vance sur l’av­enue de lumière

Et je chante dans la nuit un air sauvage

Et je m’élance aux bal­cons éteints

En quelques mots remue ménages

La ville som­nifère est lourde d’ennui

Et se berce de mes incan­ta­tions à l’arche

Et je saute dans la flaque

A la croisée des feux de route

Des voitures feu follets

Et je lève les bras dans un cri de mouette

Qui me guide vers le port

Et je marche

Et j’a­vance

Et j’embrasse

Et je chante

Le coeur rouge dans la voix

Et je brume

Dans la ville

Sur un rythme végétal

 

Poème européen n°

Ich bin berlinerin

Walk­ing en ballerine

Depos­ing my skin

Le long d’un mur

A court de rêve d’amour

 

 

Den­sité du squelette

Alles in ordnung

Pop corn

Bar at the corner

Pop­u­laire

Popul’art

Pop

Pipe

Piper dé hasard

Calme qui­et

Cou­ette miette seconde

Plume sil­hou­ette

Instant d’or

Corps mou­ve­ment

Sur la musique de la juke box

Ambiance

Errance

At mid­night

Sièges flot­tants au bar

Bières titubant sur l’accoudoir

Pop­u­laire l’air de plaire à un gars

Regard lancé de côté

Comme une passe match

Essai raté

J’ai tourné la tête

Atter­ris­sage dense chevelure

Notes emmêlées dans mes doigts sty­lo bic

Big bock à boire

Rem­plir l’âme au travail

Tra­vailleurs, travailleuses

Du dimanche soir

Venus toutes et tous

Tous et toutes dire un au revoir

Sign­er un auto­graphe à l’horloge

Demain est déjà là

Mor­gen matin déjà

Dou­ble sens en un seul point

Mot dou­ble trou­ble le

Trou­ble eye

Red pop corner

Red room

Mur­der pub

Killer de mots

La mâchoire se serre et la langue se tor­tille dans une bouche fermée

Pied con­gelé fixé dans la bottine

Accoudoir écorché vif

Âme vive de comptoir

Regard escape

Shape

Shame on me

Music juke box

Berceuse des temps modernes

Du temps que je vis ici

Pub Pub Pob Pubcorn

Pub de cul Cul de pub Cul de pute

Couille molle pen­due au bar

Doigts glis­sant sur la joue de l’âme au travail

Pas de sujet

Pas de verbe

Com­plé­ment d’objet

Com­plé­ment d’instant

Une présence

Un être

Un dit

Un rien dit écrit

Un être cher­chant midi à minuit

Bougie lumière d’une page qui se rem­plit et vide le glass full of Fassbier

Alles in ordnung

Keine Ahnung

Nung Jung Nouille Flu­ide Estom­ac Eye

I sleep in the bar comptoir

Et je dois pay­er ce temps passé

A écrire quelques mots ramassés

Dans mes tiroirs

Caisse

Cornes décorni­quer dépop départ

Juke box repart

Moi dare dare je me barre

Y’en a marre de ces mots automatiques

Juke box tic

Tic tac music

Tic tac

Tic tac

Tic tac

Coup de feu

Start & go

Présentation de l’auteur

Sabine Venaruzzo

Sabine VENARUZZO est poète, per­formeur, chanteuse lyrique, comé­di­enne et passeuse de poètes. En 2012, La Demoi­selle et cætera devient la forme spec­tac­u­laire de sa poésie dans le sens où elle fait appel au théâtre, au chant, à l’image, au mou­ve­ment, à la musique et à la mise en scène. En 2016, elle lance un vaste chantier poé­tique Sur les routes avec l’ambition de poé­tis­er le monde. Elle pose ain­si son P.P.F. (Pro­jet Poé­tique Fon­da­men­tal) en prise directe avec la réal­ité. En jan­vi­er 2017, Rémy Masseglia réalise un court métrage poé­tique L’humanité avant toute chose sur sa marche sym­bol­ique entre Vin­timille et Nice. En sep­tem­bre 2018, elle réalise la per­for­mance Mots Charte®s sur le site de l’ancien aéro­port Tem­pel­hof à Berlin. En 2020 elle pro­pose avec son ami plas­ti­cien poète Daniel Fil­lod une per­for­mance poé­tique et plas­tique en réponse à son poème « A quoi ça sert ? »

Son pre­mier recueil « Et main­tenant j’attends » paraît en sep­tem­bre 2020 aux Edi­tions de l’Aigrette.

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