Samar Darkpa, poète des montagnes sacrées de l’Himalaya

Par |2023-05-09T07:43:21+02:00 5 janvier 2022|Catégories : Essais & Chroniques, Samar Darkpa|

traduction de l’italien : Marilyne Bertoncini

Intro­duc­tion de Fiori Picco

J’ai ren­con­tré le poète Samar Dark­pa en 2018, à Pékin, à l’A­cadémie de lit­téra­ture Lu Xun, pen­dant les deux mois du Pro­gramme Inter­na­tion­al d’Écri­t­ure, et j’ai tout de suite appré­cié son style poé­tique : roman­tique, bucol­ique, empreint de l’e­sprit tibétain.

Out­re auteur et poète, Dark­pa est aus­si un chanteur à la voix puis­sante et mélodieuse, il inter­prète des chan­sons tra­di­tion­nelles de son pays. Ses poèmes sont des odes pas­torales : elles trans­portent le lecteur dans les prairies infinies du Tibet et les mon­tagnes sacrées de l’Hi­malaya ; chaque ver­set est une coupe trans­ver­sale d’un monde loin­tain et non contaminé.

D’un point de vue ryth­mique et styl­is­tique, Dark­pa  est assez proche de la con­cep­tion poé­tique ital­i­enne, qui priv­ilégie la musi­cal­ité des mots. Il utilise des fig­ures de style sin­gulières ; le poète ne fait qu’un avec la nature et le paysage qui l’en­tourent, s’in­té­grant à la flo­re et à la faune. Le thème de la méta­mor­phose est récur­rent, et c’est aus­si celui de la réin­car­na­tion : la trans­for­ma­tion du corps d’une forme à une autre, ain­si l’homme qui devient pierre ou fleuve, ou qui exprime le désir de s’i­den­ti­fi­er aux élé­ments naturels. Une autre par­tic­u­lar­ité est le mys­ti­cisme qui découle de la reli­gion boud­dhiste et de sa longue expéri­ence de moine ; en effet ;  il est entré au monastère à l’âge de neuf ans, et il y a vécu et étudié jusqu’à sa majorité.Ses poèmes, orig­in­aux, rich­es en métaphores, tout à la fois doux et déli­cats, m’ont frap­pée. C’est pourquoi j’en ai traduit cer­tains et pro­posé “Le moment de la flo­rai­son” au Con­cours du Prix inter­na­tion­al Penne d’Oro de lit­téra­ture ital­i­enne 2020. Le poème a été con­sid­éré par le jury comme l’un des plus beaux par­mi ceux qu’ils avaient reçus, et il a rem­porté le prix de poésie étrangère avec titre d’excellence.

I TEMPI DELLA FIORITURA

Ti nascon­di sui mon­ti, tra le nuv­ole dense e scure;   
precedimi,
ti cercherò seguen­do l’odore degli yak selvatici.

Indos­si il pro­fu­mo del loto dora­to ai pie­di del­la montagna;
aspettami,
ti cercherò seguen­do la fine piog­gia di primavera.

Can­ti le bal­late del mare rin­cor­ren­do i ruscelli;
scorri,
ti aspet­terò trasfor­man­do­mi in pietra e tor­nan­do sui fon­dali marini.

Quan­do la roc­cia espos­ta all’aria aprirà il suo cuore,
chiamami,
per incon­trar­ti cav­alcherò l’ombra di un destriero nel vento.

Oh, sole! Ti prego di aspettare una stella.
Lei deve stare al pas­so con i tem­pi del­la fioritura.

Nel­la cal­ma del­la pra­te­ria voglio solo
sof­frire, con­ser­var­la den­tro di me.

 

QUIETE IN UNA NOTTE D’AUTUNNO

Se potrò, nel mio pet­to un fiume scaverò;
con cura sceglierò una goc­cia, e con essa ti nutrirò.

Se potrò, al Bud­dha un cor­don­ci­no chiederò;
lo legherò alla tua cioto­la, e a ingerire ti aiuterò.

Se potrò, un lam­pi­one per stra­da diverrò,
e fino a casa ti accompagnerò.

Se potrò, nel pae­sag­gio not­turno d’autunno,
dal suono di una cetra,
una mon­tagna e una casa ricaverò…
Cos­ic­ché tu, nel sole,
la rispos­ta avrai.

Se potrò…
Fa che io diven­ti roccia,
così pace e qui­ete troverò.

 

APPENDERÒ UN RAGGIO DI SOLE

Quan­do ti pen­so, le lab­bra mi mordo;
eri nel mio cuore, ma hai toc­ca­to il fondo.

Quan­do morirò,
il mio cuore adi­ra­to por­tar via non potrò.

Ma se occa­sione avrò,
nel­la mente che ha chiu­so ogni porta,
un rag­gio di sole appenderò.
Da las­cia­re alla notte.

Stasera,
migli­a­ia di stelle spaz­zano via le nuvole,
rischiaran­do il cam­mi­no di chi tor­na a casa al buio.
In moto rin­cor­ro la luce che mi abbaglia,
aspet­tan­do domani:
quan­do, forse, a me ti aprirai.

 

 

CONFINI 

Con me, solo il mio orgoglio;
oltre a me, qual­cun altro da amare.

A volte pregare
è una scelta individuale,
esprimer­si aper­ta­mente col cuore.

A volte, le nuv­ole pesano più delle rocce,
le ombre spez­zano le ali agli avvoltoi.

A volte, la ter­ra è più leg­gera del­la carta,
un uccelli­no fino al cielo la porta.

Tut­ti i luoghi in cui voglio andare
sono nei miei pensieri;
non ho bisog­no di trasporti, di mezzi veri.

Nel­la vita si può optare per la compassione;
tu non vuoi,
e qua­si niente è ciò che rimane.

Gli altri sono io.
All’infuori di me,
nes­sun altro c’è.

 

 

Tu te caches dans les mon­tagnes, par­mi les nuages ​​dens­es et som­bres;  précède-moi
Je te chercherai en suiv­ant l’odeur des yacks sauvages.

Tu portes le par­fum du lotus doré au pied de la mon­tagne; attends-moi
Je te chercherai en suiv­ant la fine pluie du printemps.

Tu chantes les bal­lades de la mer en suiv­ant les ruis­seaux; coule
Je t’at­tendrai trans­for­mé en pierre et je reviendrai au fond des mer.

Quand la roche exposée à l’air ouvri­ra son cœur, appelle-moi,
pour te ren­con­tr­er je chevaucherai l’om­bre d’un destri­er de vent.

Oh, soleil! Attends je t’en prie une étoile.
Elle doit suiv­re le rythme de la floraison.

Dans le calme de la prairie je veux juste
souf­frir, la con­serv­er en moi.

 

CALME PAR UNE NUIT D’AUTOMNE

Si je peux, dans ma poitrine je creuserai une rivière;
avec soin je choisir­ai  une goutte d’eau, et je t’en nourrirai.

Si je peux, je deman­derai au Boud­dha une cordelette;
Je la nouerai à ton  bol et  t’aiderai à avaler.

Si je peux, je deviendrai un réver­bère dans la rue
et te ramèn­erai à la maison.

Si je peux, dans le paysage noc­turne d’automne,
du son d’une cithare,
Je tir­erai une mon­tagne et une maison …
Ain­si toi, au soleil,
tu auras la réponse.

Si je peux…

Fais que je devi­enne roche,

et qu’ain­si je trou­ve calme et tranquillité .

 

J’ACCROCHERAI UN RAYON DE SOLEIL

Quand je pense à toi, je me mords les lèvres ;
tu étais dans mon cœur, mais tu as sombré.

Quand je mourrai
Je ne pour­rai pas emporter mon cœur plein de colère.

Mais si j’en ai l’occasion,
dans l’e­sprit qui a fer­mé toutes les portes,
j’ac­crocherai un ray­on de soleil.
Pour éclair­er toute la nuit.

Ce soir,
des mil­liers d’é­toiles chas­sent les nuages,
éclairant le chemin de qui ren­tre chez lui dans le noir.
En moto, je pour­su­is la lumière qui m’éblouit,
en atten­dant demain :
quand, peut-être, tu t’ou­vri­ras à moi.

 

FRONTIÈRES

Avec moi, seule­ment ma fierté;
à part moi, quelqu’un d’autre à aimer.

Par­fois prier
est un choix personnel,
on s’ex­prime ouverte­ment du fond du cœur.

Par­fois, les nuages ​​pèsent plus que les roches,
les ombres brisent les ailes des vautours.

Par­fois, la terre est plus légère que le papier,
un moineau la porte vers le ciel.

Tous les lieux où je veux aller
sont dans mes pensées ;
Je n’ai pas besoin de moyens de transport.

Dans la vie, on peut choisir la compassion ;
toi, tu refuses
et il ne reste presque rien.

Les autres c’est moi.
En dehors de moi,
Il n’y a per­son­ne d’autre.

 

Présentation de l’auteur

Samar Darkpa

Samar Dark­pa, poète bilingue et auteur de nation­al­ité tibé­taine. Il est né le 16 jan­vi­er 1985, dans le comté de Jonê, dans la province chi­noise du Gan­su ; il vit actuelle­ment à Lhas­sa. Mem­bre de l’As­so­ci­a­tion des écrivains chi­nois, il a écrit plus de six cents poèmes, qu’il a rassem­blés en qua­tre recueils ; ses oeu­vres, dont de nom­breuses tra­duc­tions et cri­tiques lit­téraires, ont été pub­liées dans une cinquan­taine de revues telles que “Octo­bre”, “Ecrivains chi­nois”, “Mag­a­zine de poésie”, “Lit­téra­ture tibé­taine” et “Gangs Rgyan Me Tog”. En 2018, il pub­lie un nou­veau recueil inti­t­ulé « Con­fi­dences en cui­sine ». Cer­tains de ses poèmes ont été traduits en anglais, alle­mand, espag­nol, ital­ien, coréen et japon­ais. Il a rem­porté plusieurs prix lit­téraires nationaux, dont le Young Tibetan Writ­ers Award, le Tubo Poet­’s Award, le Yun­nan Online Poet­ry Award et, en Ital­ie, le For­eign Award avec le titre d’ex­cel­lence au Con­cours inter­na­tion­al de lit­téra­ture Penne d’Oro. 2020.

Poèmes choi­sis

Autres lec­tures

Samar Darkpa, poète des montagnes sacrées de l’Himalaya

tra­duc­tion de l’i­tal­ien : Mar­i­lyne Bertonci­ni Intro­duc­tion de Fiori Pic­co J’ai ren­con­tré le poète Samar Dark­pa en 2018, à Pékin, à l’A­cadémie de lit­téra­ture Lu Xun, pen­dant les deux […]

image_pdfimage_print
mm

Fiori Picco

Fiori Pic­co est sino­logue, écrivaine, tra­duc­trice lit­téraire et éditrice. Elle est née en Ital­ie, à Bres­cia, et après avoir obtenu son diplôme en langue et lit­téra­ture chi­nois­es à l’u­ni­ver­sité Ca’ Fos­cari de Venise, elle a vécu huit ans en Chine, dans le Yun­nan, où elle a enseigné à l’u­ni­ver­sité, effec­tué des recherch­es en anthro­polo­gie, et com­mencé à écrire des nou­velles et des romans. Elle est auteure du SIAE depuis 2007 et depuis 2011 elle traduit des œuvres d’au­teurs chi­nois col­lab­o­rant avec la Chi­na Writ­ers’ Asso­ci­a­tion. Elle a rem­porté de nom­breux prix lit­téraires et en 2016, elle a reçu l’In­ter­na­tion­al Stand­out Woman Award pour la cul­ture. En 2018, en Chine, il a reçu le cer­ti­fi­cat “Ami de la lit­téra­ture chi­noise”. Depuis 2019, elle est pro­prié­taire de « Fiori d’A­sia », mai­son d’édi­tion mul­ti­lingue spé­cial­isée dans la lit­téra­ture orientale.

Sommaires

Aller en haut