traduction de l’italien : Marilyne Bertoncini
Introduction de Fiori Picco
J’ai rencontré le poète Samar Darkpa en 2018, à Pékin, à l’Académie de littérature Lu Xun, pendant les deux mois du Programme International d’Écriture, et j’ai tout de suite apprécié son style poétique : romantique, bucolique, empreint de l’esprit tibétain.
Outre auteur et poète, Darkpa est aussi un chanteur à la voix puissante et mélodieuse, il interprète des chansons traditionnelles de son pays. Ses poèmes sont des odes pastorales : elles transportent le lecteur dans les prairies infinies du Tibet et les montagnes sacrées de l’Himalaya ; chaque verset est une coupe transversale d’un monde lointain et non contaminé.
D’un point de vue rythmique et stylistique, Darkpa est assez proche de la conception poétique italienne, qui privilégie la musicalité des mots. Il utilise des figures de style singulières ; le poète ne fait qu’un avec la nature et le paysage qui l’entourent, s’intégrant à la flore et à la faune. Le thème de la métamorphose est récurrent, et c’est aussi celui de la réincarnation : la transformation du corps d’une forme à une autre, ainsi l’homme qui devient pierre ou fleuve, ou qui exprime le désir de s’identifier aux éléments naturels. Une autre particularité est le mysticisme qui découle de la religion bouddhiste et de sa longue expérience de moine ; en effet ; il est entré au monastère à l’âge de neuf ans, et il y a vécu et étudié jusqu’à sa majorité.Ses poèmes, originaux, riches en métaphores, tout à la fois doux et délicats, m’ont frappée. C’est pourquoi j’en ai traduit certains et proposé “Le moment de la floraison” au Concours du Prix international Penne d’Oro de littérature italienne 2020. Le poème a été considéré par le jury comme l’un des plus beaux parmi ceux qu’ils avaient reçus, et il a remporté le prix de poésie étrangère avec titre d’excellence.
I TEMPI DELLA FIORITURA
Ti nascondi sui monti, tra le nuvole dense e scure;
precedimi,
ti cercherò seguendo l’odore degli yak selvatici.
Indossi il profumo del loto dorato ai piedi della montagna;
aspettami,
ti cercherò seguendo la fine pioggia di primavera.
Canti le ballate del mare rincorrendo i ruscelli;
scorri,
ti aspetterò trasformandomi in pietra e tornando sui fondali marini.
Quando la roccia esposta all’aria aprirà il suo cuore,
chiamami,
per incontrarti cavalcherò l’ombra di un destriero nel vento.
Oh, sole! Ti prego di aspettare una stella.
Lei deve stare al passo con i tempi della fioritura.
Nella calma della prateria voglio solo
soffrire, conservarla dentro di me.
QUIETE IN UNA NOTTE D’AUTUNNO
Se potrò, nel mio petto un fiume scaverò;
con cura sceglierò una goccia, e con essa ti nutrirò.
Se potrò, al Buddha un cordoncino chiederò;
lo legherò alla tua ciotola, e a ingerire ti aiuterò.
Se potrò, un lampione per strada diverrò,
e fino a casa ti accompagnerò.
Se potrò, nel paesaggio notturno d’autunno,
dal suono di una cetra,
una montagna e una casa ricaverò…
Cosicché tu, nel sole,
la risposta avrai.
Se potrò…
Fa che io diventi roccia,
così pace e quiete troverò.
APPENDERÒ UN RAGGIO DI SOLE
Quando ti penso, le labbra mi mordo;
eri nel mio cuore, ma hai toccato il fondo.
Quando morirò,
il mio cuore adirato portar via non potrò.
Ma se occasione avrò,
nella mente che ha chiuso ogni porta,
un raggio di sole appenderò.
Da lasciare alla notte.
Stasera,
migliaia di stelle spazzano via le nuvole,
rischiarando il cammino di chi torna a casa al buio.
In moto rincorro la luce che mi abbaglia,
aspettando domani:
quando, forse, a me ti aprirai.
CONFINI
Con me, solo il mio orgoglio;
oltre a me, qualcun altro da amare.
A volte pregare
è una scelta individuale,
esprimersi apertamente col cuore.
A volte, le nuvole pesano più delle rocce,
le ombre spezzano le ali agli avvoltoi.
A volte, la terra è più leggera della carta,
un uccellino fino al cielo la porta.
Tutti i luoghi in cui voglio andare
sono nei miei pensieri;
non ho bisogno di trasporti, di mezzi veri.
Nella vita si può optare per la compassione;
tu non vuoi,
e quasi niente è ciò che rimane.
Gli altri sono io.
All’infuori di me,
nessun altro c’è.
Tu te caches dans les montagnes, parmi les nuages denses et sombres; précède-moi
Je te chercherai en suivant l’odeur des yacks sauvages.
Tu portes le parfum du lotus doré au pied de la montagne; attends-moi
Je te chercherai en suivant la fine pluie du printemps.
Tu chantes les ballades de la mer en suivant les ruisseaux; coule
Je t’attendrai transformé en pierre et je reviendrai au fond des mer.
Quand la roche exposée à l’air ouvrira son cœur, appelle-moi,
pour te rencontrer je chevaucherai l’ombre d’un destrier de vent.
Oh, soleil! Attends je t’en prie une étoile.
Elle doit suivre le rythme de la floraison.
Dans le calme de la prairie je veux juste
souffrir, la conserver en moi.
CALME PAR UNE NUIT D’AUTOMNE
Si je peux, dans ma poitrine je creuserai une rivière;
avec soin je choisirai une goutte d’eau, et je t’en nourrirai.
Si je peux, je demanderai au Bouddha une cordelette;
Je la nouerai à ton bol et t’aiderai à avaler.
Si je peux, je deviendrai un réverbère dans la rue
et te ramènerai à la maison.
Si je peux, dans le paysage nocturne d’automne,
du son d’une cithare,
Je tirerai une montagne et une maison …
Ainsi toi, au soleil,
tu auras la réponse.
Si je peux…
Fais que je devienne roche,
et qu’ainsi je trouve calme et tranquillité .
J’ACCROCHERAI UN RAYON DE SOLEIL
Quand je pense à toi, je me mords les lèvres ;
tu étais dans mon cœur, mais tu as sombré.
Quand je mourrai
Je ne pourrai pas emporter mon cœur plein de colère.
Mais si j’en ai l’occasion,
dans l’esprit qui a fermé toutes les portes,
j’accrocherai un rayon de soleil.
Pour éclairer toute la nuit.
Ce soir,
des milliers d’étoiles chassent les nuages,
éclairant le chemin de qui rentre chez lui dans le noir.
En moto, je poursuis la lumière qui m’éblouit,
en attendant demain :
quand, peut-être, tu t’ouvriras à moi.
FRONTIÈRES
Avec moi, seulement ma fierté;
à part moi, quelqu’un d’autre à aimer.
Parfois prier
est un choix personnel,
on s’exprime ouvertement du fond du cœur.
Parfois, les nuages pèsent plus que les roches,
les ombres brisent les ailes des vautours.
Parfois, la terre est plus légère que le papier,
un moineau la porte vers le ciel.
Tous les lieux où je veux aller
sont dans mes pensées ;
Je n’ai pas besoin de moyens de transport.
Dans la vie, on peut choisir la compassion ;
toi, tu refuses
et il ne reste presque rien.
Les autres c’est moi.
En dehors de moi,
Il n’y a personne d’autre.
Présentation de l’auteur
- Samar Darkpa, poète des montagnes sacrées de l’Himalaya - 5 janvier 2022