Il n’y a pas d’effondrement
Des civilisations
Des bourses
Des relations diplomatiques
Des écosystèmes
Du climat
Des règnes
Des bâtiments civils
Des avancées sociales
Des identités
Du langage
Du bon sens
Il y a
L’effondrement
Permanent
De l’humain
Les pansements manquent
À couvrir l’artère perforée
Par la graisse
Pour accompagner
La mort lente et vulgaire
De l’humain
Nous devrions le bâillonner
Qu’il arrête de se vomir dessus
Dans un flot d’injures et de couteaux
Il faudrait créer un pays EHPAD
Qu’on en finisse
Sans visite sans moyen sans bonheur
Il faudrait qu’on se parque
Dans un de ces foutus camps
Aux États-Unis, en Tunisie, en Allemagne, en Russie, en France, en Espagne, en Namibie, à Cuba, en Chine…
Traître humanité sale humain sale
Il faudrait qu’on se donne
Au fusil automatique
Pris en photo par une balle argentique
Immortaliser le moment
Il faudrait cet hiver
Qu’on fasse une bonne bataille
De boules de napalm
Il faudrait enfiler nos bottes
Sur ce parterre de dents cassées
Prendre le chemin des ossements
Sans école sans concorde
Cimetière humain
Notre temps
Est un cimetière humain
Il faudrait pour sourire que je déchire mon visage en un large horizon nouveau
Ne plus être
Humain
La cage thoracique n’enveloppe plus rien
Défaitisme !
Les yeux ne pleurent plus
Mensonge !
La Terre va-t-elle cesser sa rotation ?
Un jour
Éclipsera
Nos traces
Au bord de l’œil du gouvernant
Une larme peut-elle encore tomber ?
Faut-il la chercher à la bêche
Quand la complainte ne suffit plus ?
Faut-il pelleter dans son regard froid de bœuf ?
Et nous les fourmis rouges d’amour
Sommes-nous des bœufs en puissance ?
Le temps est fini de demander
Je suis coupable
Gonflé vorace obèse
De ce pays
Je mange l’électricité jusqu’à déplacer le soleil et violer la nuit
Je mange l’autre et ne suis pas à sauver
Ma parole
Ma révolte
S’embourbent
Ma bouche est pleine d’une bouillie infâme
Qui m’étouffe et m’affole
Il faut bien cracher et n’ai pour crachoir
Que mon visage semblable si semblable
Ma voix de farine se veut bien blanche
Pour le bon pain à rompre
Mangeons ceci est ma voix
Mangeons de l’oreille et de la langue
Ma voix ne s’effondre pas
Elle s’esseule
Et s’essaie
Et pourtant
Rien !
Une voix peut faire pleurer
Ô mes lèvres alourdies de peine
Molles et lâches
Guimauves rouges étendues
Les roses sont mortes
Pouvez-vous dire encore
Le brin de l’espoir dans un bouquet au cimetière ?
Pouvez-vous faire de l’autre
Une voix qui s’anime ?
Rotation claire de la respiration
Horloge mal réglée du cœur
Bombe giratoire Bombe attendue
Comme le messie
Fanatiques de la paix
Explosez votre cœur
Là-bas plus rien que du bruit
Et des cris violents
Qui tempêtent s’abîment s’éboulent
Dans le silence lourd des truands
Le truand
C’est la silhouette épaisse
Où l’on ne distingue plus ou trop
L’humain
Terreur ! Ô mes lèvres alourdies de peines
Molles et lâches
Déchirez mon visage
En un large cri
Horizon perpétuel
De notre Troisième millénaire
Moi tas de chair vieux de milliards d’années
Le moindre atome qui me traverse
A la fièvre
La fièvre de ses frères atomes
Tremblant sortant
Des dépossédés
Partout pleurant mourant
Des tas de morts aux atomes fuyant
Tambour de nos visages écartelés et joints
Frapper sur nos yeux nos nez nos bouches nos cheveux
Battre la marche chaotique des chamois
Que l’ordre ne soit plus jamais un avantage
Le rythme neutre et ferme des politiques à abattre
Par la même occasion emmenez ma voix qui n’ose pas aux dépotoirs des lâchetés là où repose
mon cerveau dysfonctionnel
Et partout la fuite des peuples
On a pris leurs maisons pour des bougies
Voulu allumer la mèche
Chanté pour le bien la sécurité le bon sens
Nous n’avons entendu qu’un cri sourd
La chouette n’hulule plus
Il n’y a plus de jour plus de nuit
Ils s’enfuient quand on voudrait nous couper les bras dire non ne venez pas trop tard trop sales
trop sombres
Ils n’ont plus de jour plus de nuit plus de terre
Ô mes lèvres alourdies de peines
Cernes du ciel et de la terre
L’horizon de mes dents
Creuse une langue intérieure
Mansarde sur deux épaules
Nous ouvrons les fenêtres
Face au cosmos
Silence
Le néant puis quelques étoiles
Descendent et s’installent
Dans notre tête
Nous n’avons plus de jambes pour piétiner
Plus de jambes pour nous tenir debout
Nos jambes elles sont illusoires
Nous rampons
Ne vous fiez pas à notre corps
Nous longeons le sol comme des blattes
Ou des vers luisants
Nos jarrets on les a coupés broyés
Dans les écrous de l’ascenseur social
Ils en feront du carburant
Nous n’avons plus de bras pour écrire
Plus de main pour tenir un stylo
Nos lettres sont fausses
La langue on nous l’a volée
Stérile la langue est stérile
Nous avons imagé une voix
Avec nos yeux révulsés
Une voix qui regarde par la mansarde ouverte
Le néant puis quelques étoiles
Humanité-cul-de-jatte
Humanité-tronc
Le soleil peut-être va-t-il nous donner la lumière
Et la pluie nécessaire
Pour que nous repoussions ?
Mais nous n’avons rien à attendre
Ni de la matière
Ni d’un dieu
Nous n’avons rien
On nous roule comme des ballots de paille
Nos révoltes ne leur font pas plus peur
Qu’un épouvantail au fermier
Nous sommes la tête coupée d’Orphée
Qui persiste et chante et pleure
Sa mansarde ouverte
Le vent passe et râle quelques souvenirs
Glacés
Nous avons froid dans la pensée
Froid dans les os
Nous avons ouvert le haut de notre mansarde
Pour nous enfuir si nous le devions
Et nous restons
Nous restons
Humanité-tronc vulnérable
N’importe quelle poussière qui entrerait
Par le haut de notre conscience
Nous détruirait
Mais l’ennemi est trop gras de ses billets
Et ne passe pas notre porte
Humanité-tronc nous ne pouvons
Que nous affaiblir davantage
Nous affaiblir
Totalement
Nous nous effondrons pour n’en avoir plus rien à foutre
D’être à terre au fond sans bras ni jambes
Nous nous effondrons pour être aussi vastes
Et insaisissables
Que ce néant dans notre mansarde
Nous nous allégeons davantage que le corps
Pour être plus léger que la torture de nos frères
Mansarde sur deux épaules
Nous ouvrons les fenêtres
Face à l’autre
Une voix point à point
Le néant puis quelques étoiles
Lumière des feuilles automnales
Éclat du déclin
Pour ceux qui désirent encore
Remonter de leur corps de chenille
J’ai assemblé vingt-sept pierres
Et vingt-sept colonnes
Pour notre ennéagone
Pour ceux qui peuvent encore
Saliver de leur peau de chenille
Arriver en haut des colonnes
Là où la mansarde s’ouvre
Au néant puis quelques étoiles
Peut-être
L’être