Serge Núñez Tolin La vie où vivre
Dès la première page, le lecteur est surpris : s’agissant d’un livre de poésie, il est divisé en chapitres comme un roman. Cela semble annoncer une habitude que le poème liminaire annonce : on assiste en effet au nettoyage des lieux que l’on habite, expression triviale s’il en est.
Mais dès la page suivante, le registre change : Serge Núñez Tolin ne déclare-t-il pas : « Je vais sur la brèche d’une phrase que je n’ai pas encore en vue » (p 9). Le poète dit alors sa confiance dans les mots pour décrire le réel, le scruter ou lui faire rendre l’âme. Et, partant de là, il s’interroge sur ce qu’il est : « De quel poids me pèse le je que je suis !» (p 18). Volonté de dépasser le je, de le retrouver dans un monde obscur : « Comme c’en est assez de soi ! » (p 20). Mais Serge Núñez Tolin s’interroge aussi sur le pouvoir de la poésie : « Le poème mis à nu, il n’en reste que le nerf » (p 28). Quel pouvoir a le langage ?
Des mots à chercher sous l’évidente absence de réponse (p 29)
Car la réponse n’est jamais donnée. Se peut-il que « des mots qu’ils nous donnent forme ? » (p 39). Question à laquelle semble répondre Serge Núñez Tolin, :
Abîme de l’impossibilité à énoncer un sens (p 42)
Serge Núñez Tolin, La vie où vivre, Rougerie éditeur, 80 pages, 13 euros.
Dans les bonnes librairies ou sur commande chez l’éditeur www.editions-rougerie.fr
Le chapitre II est d’une tonalité plus grave puisqu’il s’ouvre sur des mots comme la mort, le néant, l’obscurité… : « La totalité de la mort est dans la vie » (p 46). Leçon de sagesse et de lucidité ! Mais le silence peut-il vraiment être plus que le silence, c’est là l’un des sortilèges de la poésie. La présence, c’est le quotidien auquel se raccrocher (p 52) mais revient vite le néant : « Mais le vide n’est-il pas toujours où nous sommes ? » (p 57). L’homme est sans doute condamné à cette contradiction : vivre est un combat contre l’ombre. Mais l’espoir n’est pas absent car « Il y a une épaule pour l’accolade / … / Une main pour la main » (p 62). Même la poésie témoigne qu’« il y a toujours des mots où aller » (p 63). Il faut « User des mots contre ce qui s’oppose à eux » (p 67). C’est qu’il y a « dans le silence une absence à écouter » (p 69). Encore faut-il « Confier aux mots nos présences brèves » (p 71), peut-être est-ce là la raison d’être du poème ?
C’est écrit dans une prose (qui ressemble à des versets), ce qui explique la composition en chapitres. Mais l’important ne réside pas là, c’est que « La vie où vivre » est une ode à la vie, malgré tout…