Silvaine Arabo est peintre, poète, éditrice. Elle a publié une œuvre poétique importante. Plus de quarante recueils ainsi que trois recueils d’aphorismes et deux essais. Son dernier Capter l’indicible est publié aux éditions Rafael de Surtis.
Le recueil, une suite de poèmes aux vers tantôt amples, tantôt brefs frappe par le souffle qui traverse ces pages. Il s’agit d’une respiration pleine d’allant et d’ardeur. Dans ce flux d’impressions rythmé musicalement, tout s’offre à nous. Les variations de la lumière. Le souvenir du bleu Van Gogh. Les vastes horizons marins. Les grands oiseaux. Et aussi la blancheur qui nourrit divers réseaux possibles d’images et semble plus que tout déclencher l’imaginaire chez la poète, telle l’œuvre au blanc alchimique :
Toutes ces mains filant le destin du silence
D’âge en âge
De blancheur en blancheur.
Silvaine Arabo, Capter l’indicible, éditions Rafael de Surtis, 76 p, 15 €.
Le sentiment de fusion avec la substance des choses et avec l’univers entier se fait jour, pure qualité de présence. La nature qui accompagne presque chaque page y contribue pleinement dans ses composantes variées. La poète nous invite à poser simplement notre regard. Ce sont les grands espaces entre ciel et mer. Plus loin, c’est le passage des saisons et leurs harmoniques :
Ainsi dériver dans l’air doux des printemps
Inscrire sur ses dix doigts ses sceaux magiques.
La succession de visions joue à plein et va s’amplifiant dans la beauté des images : « les poulies grinçantes du temps », « La Magicienne au pas de fleurs », « Les branches bleues de Van Gogh ».
L’accord profond avec le monde que la poète accueille dans une ferveur attentive n’interdit pas le malaise devant la brutalité du réel. Ainsi résonne parfois, dans cette basse continue, « la musique de l’absurde/Dans d’ignobles échos ». La poète sait dépasser, transmuer ce qui s’éprouve là de négatif.
La méditation qui a partie liée avec la permanence et les métamorphoses est rendue par la grâce d’un art libre :
Ah ! Capter l’indicible
Dans l’avancée du vent
Et les soliloques des marées !
Ce qui frappe dans l’écriture de Silvaine Arabo, c’est sa double postulation, à la fois sensitive et méditative. « Une grande prière monte et se creuse ». Celle, païenne, des éléments alentours et de la nature. Subtilement, s’entremêlent les temps verbaux, présent, passé simple, futur, dans un agencement verbal tout en fluidité héraclitéenne. D’autres temporalités sont convoquées, celle des « lacs antiques », celle des mythes, tel Narcisse, lignes de fuite qui élargissent et pluralisent la vision.
L’ombre de la finitude fait signe, mais sans pathétique ni emphase, portée par ces mots simples d’« outre-monts », de « pâleur ». Des mots qui semblent, à syllabes comptées, prédire la fin : « Tu es le grand signe au bout du chemin ». Il y a là comme une manière de dire la mort mais en sourdine. Mais qu’est-ce que la mort ? Nous n’en savons rien. Peut-être l’abandon d’un plan dense ouvrant sur cette transparence convoquée par Silvaine Arabo tout au long du poème. Cette transparence qui, pour moi, évoque métaphoriquement la très ancienne vision des morts chez Homère et leur survie pas plus consistante qu’une ombre légère.
La lucidité de la poète se tient dans cet élan qui explore et questionne. Mais elle sait aussi évoquer en contrepoint l’enfance, ses clairières, ses « litanies d’enfant perdue », « ses « visions enfantines dans l’ancre des ports ». Sensations, recognitions, éclats de rêve sont puissamment à l’œuvre dans ces pages de Capter l’indicible.
De cette tension émerge un paysage mental entre connivence et dissonances, entre ouverture et angoisse. Et cette poétique du questionnement intérieur engage le lecteur dans un dialogue de haute alliance avec le monde qui poursuit longtemps en nous son écho : « Tout est dialogue car rien n’est duel ».
Présentation de l’auteur
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