je marche sur tes traces / sur le sentier de tes mots
Le confinement a été pour beaucoup une occasion rare de se tourner vers l’essentiel, de se retrouver, de s’écrire parfois. Le nouveau recueil de Sonia Elvireanu, en édition bilingue avec les traductions en italien par Giuliano Ladolfi, porte ainsi la trace des journées de solitude obligée.
Derrière les fenêtres, on regarde un mur, / on discute avec le béton d’en face pour tout paysage / dans la vapeur du café du matin
Cette période fut aussi celle des longues marches dans la campagne pour tous ceux qui le pouvaient.
Je marche avec piété dans / le vert silence de la solitude
La solitude, le silence, le recueillement : tout est dit dans ces deux vers. Ce recueil est comme irrigué par la foi en un Autre qui n’est jamais nommé mais dont on sent la présence quand il n’est pas directement convoqué.
La voix du poète s’élève comme une offrande, / l’autre descend d’un Sommet invisible
Sonia Elvireanu, Ensoleillements au cœur du silence – Scintillii nel cuore del silenzio, bilingue français-italien, traductions Giuliano Ladolfi, Borgomanero, Giuliano Ladolfi editore, 2022, 264 p., 18 €.
Deux voix qui « confondent leurs murmures en prière » : on ne saurait être plus explicite.
Les poèmes sont le plus souvent brefs, parfois très courts comme des haïkus.
Chevaux blancs / dans la prairie / fleurie // l’éclat / de l’argile / céleste
Parfois plus longs comme celui intitulé « La feuille comme une mare blanche » qui commence par le court extrait d’une lettre de Mme de Sévigné à sa fille, le 30 avril 1867, où la marquise parle du confinement (déjà !) auquel elle a dû se soumettre en raison d’une épidémie de « flagèle ». Le poème se poursuit, le 30 avril 2020, par la lettre que la marquise aurait pu écrire sur le même thème (« nous t’enverrons un masque blanc, c’est en vogue à la Cour », etc.).
Le thème dominant du recueil demeure néanmoins la nature, thème de prédilection de Sonia Elvireanu, poétesse lyrique par excellence. Ses textes décrivent les sensations qui la traversent au cours de ses promenades. Elle écrit sous leur influence, sous le coup de l’émotion, au gré de ses rencontres dans la nature – pommiers, figuiers ou simples papillons blancs – qui reviennent à de nombreuses reprises dans le recueil. A lire ses poèmes, on est d’abord frappé par leur spontanéité. C’est une âme qui s’émerveille et qui s’épanche.
La nature est aussi un truchement pour se connecter à « l’Autre » jamais réellement présent mais qui n’est pas loin et qui écoute.
Je me suis retirée dans ma solitude / pour être près de toi, / te chercher et te parler
La poésie de S. Elvireanu est fraîche et spontanée. Qu’elle nous parle de pommes, de chevaux ou de « la myrrhe de l’amour », c’est toujours elle qui se laisse découvrir. Sans la moindre impudeur puisque c’est seulement des secrets de son âme dont elle nous livre la clé.
Présentation de l’auteur
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