Piéton sans voyageur
(Peut-être me faudra-t-il une planète à moi tout seul pour le mégalo que je suis ! »
Et j’écris en faisant du hors-piste d’étoiles !
Stéphane C.
L’Art de l’épure et de l’évidement
Ici je réprime mes craintes mes angoisses d’auteur de poésie
Je me fais solitaire des mots
Je suis tout juste égal aux asticots
Mon œuvre est le bilan de ma chienne de vie
Je suis le poète de service Pas vrai
Je suis un peu vainqueur néanmoins
Car j’écris sans le moindre talent
Sans la moindre finesse non plus
Tout le monde sait que la poésie ne se vend pas
Alors pourquoi continuer
Le vingt et unième siècle n’a pas donné un seul poète considérable
J’incarne ce poète éminent
Et quand est-ce qu’il vient le poète sauveur
Le prince des banlieues
Qu’il se montre le Rimbaud des réseaux sociaux
Et inverser l’ordinaire !
La poésie pauvre m’accable
C’est toujours les mêmes conneries que j’écris
Il existe un monde à mesure d’accomplir des miracles
C’est l’univers poème
Un espace à écrire là où prier n’est plus nécessaire
Il me faut sans cesse réécrire au présent
L’écriture est sans retour
Suis-je foutu
Il ne me reste rien à restituer
Tout sera dit sans mots
Et je laisse pisser
Oui je suis un poète du peuple
Et la traduction de mes poèmes est mauvaise dans l’ensemble
J’écris pour qui ne fait rien dans la vie
J’écris du mauvais art en me satisfaisant du second choix
J’écris avant de refroidir
Et je ne fais rien d’autre
Rien ne change et en effet rien ne change
J’écris plus que cela n’est suffisant
J’écris dans l’instabilité de tout
Comment pourrai-je avec des mots rivaliser avec l’auteur lui-même
L’artisan en chef L’instinct
L’Albert Einstein de la poésie
Mes poèmes sont d’une exacte exactitude
Ecrire avec des mots de ce monde devient urgent
Casser le silence en heurtant le mur des mots par cœur
En bon explorateur je me déplace en marge du texte
Je sonde profondément les mots de secours
Ces crachats d’étoiles
Le recul du lecteur est total
Car j’invisibilise le poème lui-même
Instant final
Je veux que rien ne change et en effet rien ne change
Je redeviens sans doute infréquentable
Ecrire me manque quand j’écris
Je fais don de poésie
Je n’ai rien dit je n’ai rien fait qui mérite d’être publié à ce jour
Je ne le permets pas
Être soi d’être en vie voilà ce qui compte
Je porte en moi le deuil des anciens poètes
Ne m’en veuillez pas d’être cet homme là
De la pire génération qui soit
Rien de bon dans ces mots-là
Non rien de bon
Suis-je ce que je viens d’écrire
Assurément
Ceci fera l’objet d’un autre poème
Poème de trop
Les mots entre eux ne me sont plus d’aucun secours
Ma poésie s’étudiera au carbone quatorze ou pas
Je redeviens infréquentable mais heureux
De ces choses du jour
Je redeviens inaudible et intelligent à la fois
Je résiste à la nuit du réel et de l’utopique
J’écris à ciel ouvert
Il est vain de lire dans les yeux du poète je crois
Je redeviens visible
Tout silence est aussi intérieur
D’un huis-clos dans mes mots
Le code des ombres à craquer
J’ai craqué le code des ombres
D’un geste à l’autre tout change sous le bombardement des mots
Ecrire nécessite au moins une dimension de plus au poète
Je ne suis pas le temps qui passe mais le temps qui change
Je suis allé jusqu’au bout de la poésie
Je crois que la plus haute poésie arrive
De ces choses du jour
Je ne choisis pas d’écrire on me choisit
Car rien n’engendre rien en poésie moderne
Rien n’attend rien
La poésie est un accident de la vie
Une erreur d’actes
D’associations complexes
Poète imprévisible
Inutile
Infréquentable
J’entends ne rien m’interdire dans ce métier de prédation
Non
Je n’explique pas mon inclinaison et ma descente dans les bas-fonds des mots
Et tout ce qui n’est pas miroir n’existe pas vraiment
Ce que l’on quitte finit toujours par nous appartenir vraiment
La poésie n’est pas ici
La poésie n’est pas ailleurs non plus
Être entièrement soi et pleinement rien me suffit largement
En attendant que la technologie s’adapte
Et rajouter une dimension humaine
J’ai conscience d’une plus grande solitude peu à peu
Seulement solitaire
Un espace blanc de mots blancs m’habite en continu
Je suis prêt à vivre le contraire de ma version d’humain
Je reviendrai vieux ou ne reviendrai pas
J’écris peut-être par pure peur de perdre
L’échec est fondateur
Tant à la déduction qu’à l’induction
Dans des futurs pressés de naître je pleure mon délaissement technologique
Mais de quoi ai-je mal
Ai-je écrit le poème de trop
Je ne suis qu’un détail de l’histoire
L’issue de l’illusion arrive
Est venue
La matière vierge peuple les mots
Les mots sont inutiles
L’accélération cède à mon art
Je ne suis ni mesurable ni quantifiable en poésie moderne
A mon geste d’écrire on me reconnaît
Non
J’écris sans dimension ni syntaxe
Je suis le grand absent des mots
J’incarne une évidence
Une option aussi
J’évolue dans des directions contradictoires
Jusqu’où aller pour voir
Et jusqu’où vont les signes
Ma guerre est mentale
Mon combat est total
Je libère un espace en écrivant
Je fais le guide aux nouvelles générations instables
Car il le faut sans doute
Avancer
Il me manque ce quelque chose à travailler
Ce mouvement rapide et droit
Porter le poids de pas grand-chose m’accable
L’accélération cède à mon art
J’écris parce que je me sens sale
Mon texte est blanc comme un silence blanc
Je suis l’instrument de mes mots
C’est moi l’ange défait
Oui l’ange malmené
Je ne suis rien de bon
Rien ne se passe dans mes écrits
Le bide
Ecrire est-ce être là
Plus question de lâcher prise si près du but
Les murs ne veulent pas céder entre eux
Les murs porteurs fléchissent
Plient
Et finissent par rompre enfin
L’équivalent du poids des mots pour le poète
Désormais je soigne mon langage et je cesse d’écrire par intérim
Mes mots ne sont plus quantifiables ni vérifiables
On ne transgresse pas la poésie on la dépasse
On la réprime aussi
J’écris pour aérer de l’intérieur
Le grand Ennuiement*
Pour écrire il me faut ce quelque chose à perdre
J’écris comme d’autres écrivent
Je plagie les petites frappes de poètes en herbe
Les cadors aussi
Oui
Je me la pète grave
Mais qui peut le faire à ma place
J’écris seul et ne m’en porte pas plus mal
Au fond j’écris pour me cacher le sexe avec des alphabets usés
Mécaniques
Je bande avec les mots des autres
Mes couilles sont sèches
Je m’en vais vers les mêmes départs tous les jours
Car je suis en retard de phase
Vers quel prochain suicide renaître
Un soir de sud
J’écris pour retenir le peu qui change
Et en effet le peu me change
Les civilisations de l’espace s’annoncent
*Néologisme d’ennuyant
Je m’égare magnétiquement
La gravité plombe mon âme
Les écrits de jeunesse bavent sur la page
On s’en fout
On s’en fout de l’auteur
On réclame ses mots
Ses poèmes
On peut blesser les mots d’enfant sans le vouloir
Puis-je être ailleurs et sans racine
J’ai un destin d’enfant
Comme un rien d’ordinaire
Un poème
Une vie
Les jeunes auteurs écoutent juste au-dessus de moi
Je les entends parler entre eux
J’écris mais pauvrement
J’écris par accident
D’ici ce soir mes mots ne compteront pour rien
Passage à l’acte de ne plus écrire
Revenir au strict nécessaire
Œuvrer dans les bas-fonds des plafonds bas
Jusqu’’à percer tous les secrets
D’une haute technologie d’écrire
La beauté de mes mots se dégrade avec l’âge
J’écris pour en tirer des présages heureux
Je m’égare magnétiquement
Je me perds des yeux et du regard
Mon langage intérieur n’est qu’un pauvre réflexe
Un réflexe de trop
Un code m’interdit d’écrire
Je m’exerce au rien
Rien de correct ne sortira d’ici
De ce poème
Et quoi d’autre
Je suis de ceux préposés au langage
Au style rétrograde aussi
Je doute d’être vrai
Pourtant j’écris à la source des mots
Car la fin du voyage est encore le voyage
Me faudrait-il séparer l’écume de la bave ?
Sans force d’expansion
Quel seuil faut-il franchir