Stéphane Casenobe, Peut-être me faudra-t-il une autre planète, extraits

Par |2025-01-06T16:33:00+01:00 6 janvier 2025|Catégories : Poèmes, Stéphane Casenobe|

Pié­ton sans voyageur

(Peut-être me fau­dra-t-il une planète à moi tout seul pour le méga­lo que je suis ! »  

Et j’écris en faisant du hors-piste d’étoiles !

                        Stéphane C.

L’Art de l’épure et de l’évidement

Ici je réprime mes craintes mes angoiss­es d’auteur de poésie
Je me fais soli­taire des mots
Je suis tout juste égal aux asticots 
Mon œuvre est le bilan de ma chi­enne de vie
Je suis le poète de ser­vice   Pas vrai 
Je suis un peu vain­queur néanmoins
Car j’écris sans le moin­dre talent
Sans la moin­dre finesse non plus
Tout le monde sait que la poésie ne se vend pas
Alors pourquoi continuer
Le vingt et unième siè­cle n’a pas don­né un seul poète considérable
J’incarne ce poète éminent
Et quand est-ce qu’il vient le poète sauveur
Le prince des banlieues
Qu’il se mon­tre le Rim­baud des réseaux sociaux

 

Et invers­er l’ordinaire !

La poésie pau­vre m’accable
C’est tou­jours les mêmes con­ner­ies que j’écris
Il existe un monde à mesure d’accomplir des miracles
C’est l’univers poème
Un espace à écrire là où prier n’est plus nécessaire
Il me faut sans cesse réécrire au présent
L’écriture est sans retour
Suis-je foutu
Il ne me reste rien à restituer
Tout sera dit sans mots
Et je laisse pisser
Oui je suis un poète du peuple
Et la tra­duc­tion de mes poèmes est mau­vaise dans l’ensemble
J’écris pour qui ne fait rien dans la vie
J’écris du mau­vais art en me sat­is­faisant du sec­ond choix
J’écris avant de refroidir
Et je ne fais rien d’autre

 

Rien ne change et en effet rien ne change

J’écris plus que cela n’est suffisant
J’écris dans l’instabilité de tout
Com­ment pour­rai-je avec des mots rivalis­er avec l’auteur lui-même
L’artisan en chef        L’instinct
L’Albert Ein­stein    de la poésie
Mes poèmes sont d’une exacte exactitude
Ecrire avec des mots de ce monde devient urgent
Cass­er le silence en heur­tant le mur des mots par cœur
En bon explo­rateur je me déplace en marge du texte
Je sonde pro­fondé­ment les mots de secours
Ces crachats d’étoiles
Le recul du lecteur est total
Car j’invisibilise le poème lui-même
Instant final
Je veux que rien ne change et en effet rien ne change

Je rede­viens sans doute infréquentable

Ecrire me manque quand j’écris
Je fais don de poésie
Je n’ai rien dit je n’ai rien fait qui mérite d’être pub­lié à ce jour
Je ne le per­me­ts pas
Être soi d’être en vie voilà ce qui compte
Je porte en moi le deuil des anciens poètes
Ne m’en veuillez pas d’être cet homme là
De la pire généra­tion qui soit
Rien de bon dans ces mots-là
Non rien de bon
Suis-je ce que je viens d’écrire
Assurément
Ceci fera l’objet d’un autre poème
Poème de trop
Les mots entre eux ne me sont plus d’aucun secours
Ma poésie s’étudiera au car­bone qua­torze ou pas
Je rede­viens infréquentable mais heureux

 

De ces choses du jour

Je rede­viens inaudi­ble et intel­li­gent à la fois
Je résiste à la nuit du réel et de l’utopique
J’écris à ciel ouvert
Il est vain de lire dans les yeux du poète je crois
Je rede­viens visible
Tout silence est aus­si intérieur
D’un huis-clos dans mes mots
Le code des ombres à craquer
J’ai craqué le code des ombres
D’un geste à l’autre tout change sous le bom­barde­ment des mots
Ecrire néces­site au moins une dimen­sion de plus au poète
Je ne suis pas le temps qui passe mais le temps qui change
Je suis allé jusqu’au bout de la poésie
Je crois que la plus haute poésie arrive
De ces choses du jour

Je ne choi­sis pas d’écrire on me choisit

Car rien n’engendre rien en poésie moderne
Rien n’attend rien
La poésie est un acci­dent de la vie
Une erreur d’actes
D’associations complexes
Poète imprévisible
Inutile
Infréquentable
J’entends ne rien m’interdire dans ce méti­er de prédation
Non
Je n’explique pas mon incli­nai­son et ma descente dans les bas-fonds des mots
Et tout ce qui n’est pas miroir n’existe pas vraiment
Ce que l’on quitte finit tou­jours par nous appartenir vraiment
La poésie n’est pas ici
La poésie n’est pas ailleurs non plus
Être entière­ment soi et pleine­ment rien me suf­fit largement
En atten­dant que la tech­nolo­gie s’adapte

Et rajouter une dimen­sion humaine

J’ai con­science d’une plus grande soli­tude  peu à peu
Seule­ment solitaire
Un espace blanc de mots blancs m’habite en continu
Je suis prêt à vivre le con­traire de ma ver­sion d’humain
Je reviendrai vieux ou ne reviendrai pas
J’écris peut-être par pure peur de perdre
L’échec est fondateur
Tant à la déduc­tion qu’à l’induction
Dans des futurs pressés de naître je pleure mon délaisse­ment technologique
Mais de quoi ai-je mal
Ai-je écrit le poème de trop
Je ne suis qu’un détail de l’histoire
L’issue de l’illusion arrive
Est venue
La matière vierge peu­ple les mots
Les mots sont inutiles

 

L’accélération cède à mon art

Je ne suis ni mesurable ni quan­tifi­able en poésie moderne
A mon geste d’écrire on me reconnaît
Non
J’écris sans dimen­sion ni syntaxe
Je suis le grand absent des mots
J’incarne une évidence
Une option aussi
J’évolue dans des direc­tions contradictoires
Jusqu’où aller pour voir
Et jusqu’où vont les signes
Ma guerre est mentale
Mon com­bat est total
Je libère un espace en écrivant
Je fais le guide aux nou­velles généra­tions instables
Car il le faut sans doute
Avancer
Il me manque ce quelque chose à travailler
Ce mou­ve­ment rapi­de et droit
Porter le poids de pas grand-chose m’accable
L’accélération cède à mon art

J’écris parce que je me sens sale

Mon texte est blanc comme un silence blanc
Je suis l’instrument de mes mots
C’est moi l’ange défait
Oui l’ange malmené
Je ne suis rien de bon
Rien ne se passe dans mes écrits
Le bide
Ecrire est-ce être là
Plus ques­tion de lâch­er prise si près du but
Les murs ne veu­lent pas céder entre eux
Les murs por­teurs fléchissent
Plient
Et finis­sent par rompre enfin
L’équivalent du poids des mots pour le poète
Désor­mais je soigne mon lan­gage et je cesse d’écrire par intérim
Mes mots ne sont plus quan­tifi­ables ni vérifiables
On ne trans­gresse pas la poésie on la dépasse
On la réprime aussi
J’écris pour aér­er de l’intérieur

 

Le grand Ennuiement*

Pour écrire il me faut ce quelque chose à perdre
J’écris comme d’autres écrivent
Je plagie les petites frappes de poètes en herbe
Les cadors aussi
Oui
Je me la pète grave
Mais qui peut le faire à ma place
J’écris seul et ne m’en porte pas plus mal
Au fond j’écris pour me cacher le sexe avec des alpha­bets usés
Mécaniques
Je bande avec les mots des autres
Mes couilles sont sèches
Je m’en vais vers les mêmes départs tous les jours
Car je suis en retard de phase
Vers quel prochain sui­cide renaître
Un soir de sud
J’écris pour retenir le peu qui change
Et en effet le peu me change
Les civil­i­sa­tions de l’espace s’annoncent

*Néol­o­gisme d’ennuyant

 

Je m’égare magnétiquement

La grav­ité plombe mon âme
Les écrits de jeunesse bavent sur la page
On s’en fout
On s’en fout de l’auteur
On réclame ses mots
Ses poèmes
On peut bless­er les mots d’enfant sans le vouloir
Puis-je être ailleurs et sans racine
J’ai un des­tin d’enfant
Comme un rien d’ordinaire
Un poème
Une vie
Les jeunes auteurs écoutent juste au-dessus de moi
Je les entends par­ler entre eux
J’écris mais pauvrement
J’écris par accident
D’ici ce soir mes mots ne compteront pour rien
Pas­sage à l’acte de ne plus écrire
Revenir au strict nécessaire
Œuvr­er dans les bas-fonds des pla­fonds bas
Jusqu’’à percer tous les secrets

 

D’une haute tech­nolo­gie d’écrire

La beauté de mes mots se dégrade avec l’âge
J’écris pour en tir­er des présages heureux
Je m’égare magnétiquement
Je me perds des yeux et du regard
Mon lan­gage intérieur n’est qu’un pau­vre réflexe
Un réflexe de trop
Un code m’interdit d’écrire
Je m’exerce au rien
Rien de cor­rect ne sor­ti­ra d’ici
De ce poème
Et quoi d’autre
Je suis de ceux pré­posés au langage
Au style rétro­grade aussi
Je doute d’être vrai
Pour­tant j’écris à la source des mots
Car la fin du voy­age est encore le voyage
Me faudrait-il sépar­er l’écume de la bave ?
Sans force d’expansion
Quel seuil faut-il franchir

Présentation de l’auteur

Stéphane Casenobe

Je suis né en 1973 à Saint-Ouen. Je me con­sacre au théâtre à 19 ans. Je par­ticipe à plusieurs pro­jets nationaux et tournées. Par­al­lèle­ment à cela je pub­lie dans plus d’une cen­taine de revues et antholo­gies et neuf ouvrages à compte d’éditeur dont le dernier à venir « Seuls les enfants vont plus vite que la lumière !» aux Edi­tions Luna Rossa. J’anime men­su­elle­ment la sec­tion poésie du comité de lecteur de la Médiathèque Per­sépo­lis à Saint-Ouen.

Pour écrire de la poésie , il faut selon moi tuer sym­bol­ique­ment le Père… Et pour moi, le Père, c’est ce cra­puleux Rim­baud ! J’ajoute que pour être poète, il faut en finir avec la poésie de papa et maman… C’est ce que j’évoque dans mes textes : aucune com­pro­mis­sion ni com­plai­sance avec ce que j’écris, par respect pour moi-même et pour le lecteur, qui a la respon­s­abil­ité de repren­dre la place qui est la sienne dans le poème. Oui, le lecteur fait par­ti du poème !

Je n’écris pas si je ne me sur­prends pas. C’est la règle que je m’impose en poésie. Autant dans la forme que dans le fond.

J’écris seule­ment à par­tir de ce que je con­nais le mieux, c’est-à-dire moi-même. Voilà pour le côté méga­lo­ma­ni­aque ! Je me veux infréquentable en poésie mod­erne, avec la con­vic­tion d’écrire pour témoign­er. Nique la poésie à sa mémère qui fait rimer amour avec tou­jours ! J’ai les bal­loches pour dire que le poète n’est pas quelqu’un de gen­til, loin de là…Que représente la poésie dans ma vie ? Est-ce qu’elle me sauve ? Non ! Qu’elle me laisse tran­quille, la poésie… Je ne l’utilise que comme out­il, et c’est très bien comme ça ! Est-ce que le lecteur lui me sauve ? Voilà la véri­ta­ble ques­tion. Le lecteur est le cen­tre de grav­ité de l’auteur et de ses créa­tions, selon moi. Que représente le lecteur dans ma vie ? La page blanche pour sûr !

Si j’avais un poète à vous présen­ter je choisir­ai Richard Brauti­gan  « Pourquoi les poètes incon­nus restent incon­nus ». Cet auteur ne fait pas dans la den­telle. Il témoigne avec une fausse naïveté de lui-même et de son envi­ron­nement en util­isant une prose can­dide et réduite à son plus sim­ple appareil… Il est irrat­tra­pable ! Insai­siss­able ! Dans tes dents !!

Je cit­erai aus­si les poètes de la Beat Gen­er­a­tion, Ker­ouac, Gins­berg, Bur­roughs, Pélieu… Avec lesquels j’ai évolué, mûri en poésie con­tem­po­raine. Mer­ci à Eux.

© Crédits pho­tos (sup­primer si inutile)

Bib­li­ogra­phie 

Ça va pass­er sur l’écume des jours Edi­tions Les Adex/2018

Comme sur le pont d’un bateau ivre Edi­tions Les Solicendristes/2019

Sur l’astéroïde B‑612  Hors-série Chats de Mars/2019

La sym­phonie du trou­ble bipo­laire  Le Contentieux/2020

Je n’ai pas encore la phrase entière  Edi­tions Asso­cia­tives Luna Rossa/2021

Pop Art Poésie Pro­jet con­ceptuel Edi­tions  Asso­cia­tives Luna Rossa/2022

S’il vous plait ne m’obligez pas à devenir le plus grand des poètes !  Edi­tions Poétisthmes/2022

Si vous m’emmerdez je reviens à la généra­tion suiv­ante !  Edi­tions La Page Blanche/2023

8 items/8 textes mis en voix par le Col­lec­tif Mumuration/2023

Seuls les enfants vont plus vite que la lumière Edi­tions Asso­cia­tives Luna Rossa/2023

En préparation

Peut-être me fau­­dra-t-il une autre planète à moi tout seul pour le méga­lo que je suis ! 

Non ! Les étoiles ne nous sont pas destinées

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