Chronique du veilleur (11) – Anise Koltz, Galaxies intérieures

Anise Koltz est née en 1928 au Luxembourg. Elle a publié ses premiers livres de poèmes en langue allemande à partir de 1960. Les français ont pu découvrir un premier volume dès 1966, dans une traduction d’Andrée Sodenkamp, chez Seghers, Le cirque du soleil. Dans les années 80, elle a progressivement abandonné la langue allemande pour écrire en français. Depuis 2007, les éditions Arfuyen ont publié 5 livres, le dernier paru étant Galaxies intérieures.

« Entre vie et mort / il y a peu d’espace », écrit-elle, et toute l’œuvre, d’une remarquable homogénéité, illustre cette affirmation essentielle. Dans des poèmes dont elle s’applique à sertir le silence de mots et de phrases qui le respectent comme une réalité sacrée, Anise Koltz ne cesse de s’interroger devant nous sur l’invisible qui la « poursuit », l’éternité qui l’attend, le monde qui change « sans changer ». La parole touche aux réalités les plus vastes :

Je vis dans la fraternité
des astres

Il n’y a qu’aux solitaires
que l’univers
ouvre ses portes

Anise Koltz, Galaxies intérieures, Arfuyen, 2013, 110 pages, 10 euros

Ces réalités apparaissent parfois dans une ambivalence mystérieuse. Ainsi, la vie et  la mort :

La mort
est la force
qui me fait vivre

Qui me fera retourner
à mon image de glaise

Visions de la vieillesse qui s’entourent d’images de terre, de chemins, d’ombres, de siècles entassés…

Mon âge m’alourdit
ma mémoire est périmée

Je me regarde
regarder
les paysages empilés
sous mes paupières

Même les images du déluge « tapissent encore notre mémoire. » Ce n’est pas la sagesse ni l’expérience qui façonnent le poète, mais une inquiétude sans cesse ravivée, qui n’altère pas les forces de l’esprit, mais qui , au contraire, semble les décupler. Anise Koltz s’observe face à la page que le poème va remplir : paroles « suspendues » où le poète « renouvelle » son image « continuellement », langage qui travestit le réel, recouvre la vérité. Ce sont « des orbites de paroles », chacune « alourdie » par l’univers, retrouvant d’autres paroles anciennes, si semblables finalement.

Chaque poème
que j’écris
existe depuis toujours

Voyageant avec la lumière
je le capte

Le faisant vibrer
avec les herbes du champ

« Et mentant / je dis la vérité », écrivait-elle dans Soleils chauves. La poésie sans concessions d’Anise Koltz circule entre déchiffrable et indéchiffrable. Elle exprime en cela, parfois jusqu’à l’angoisse, toute la condition du poète contemporain.

Chronique du veilleur

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Chronique du veilleur (10) – Claude Martingay, Les quatrains du silence

Pourquoi ne parler que de l’actualité la plus fraîche, des livres à l’encre à peine séchée, alors que des livres parus il y a quelques années ou quelques siècles gardent à jamais la grande efficience qu’une grâce d’inspiration et d’écriture leur a donnée ?

Le livre de Claude Martingay, Les quatrains du silence (Ad Solem) est de ceux-là.

  Claude Martingay est né en 1920 à Genève. A l’âge de 23 ans, il s’est retiré dans la chartreuse de La Valsainte, en Suisse. Durant trois années, il a reçu les plus précieuses leçons de Dom Jean-Baptiste Porion, avec qui il a noué une solide amitié. C’est lui qui a créé en 1968 la collection Ad Solem, une maison d’éditions ascétiques et mystiques, qui a pris par la suite l’envol que l’on sait.

Claude Martingay est lui-même écrivain et poète, auteur de nombreux essais comme : Pour la sainte liturgie, La Mère de Dieu et l’intelligence ou encore La Métaphore bienheureuse. Le livre paru en 2010, Les quatrains du silence, est sans nul doute un de ces chefs d’œuvre où l’on ne sait qu’admirer le plus : la pureté de l’écriture, la densité de la pensée, l’extrême sensibilité spirituelle qui s’y révèle. Le poète, car c’est bien d’un grand poète qu’il s’agit, parle du choix du quatrain comme d’un « encadrement de fenêtre, entre la maison et la fontaine, entre la raison et l’intelligence, entre les idées claires et la vie insaisissable de la vérité. »  Sur le blanc de la page, dans le silence d’un recueillement de tout l’être, retentissent des aveux, des émotions, des remuements de  l’âme :

Claude Martingay, Les quatrains du silence, 96 pages, 21 euros (Ad Solem, 2010)

Claude Martingay, Les quatrains du silence, 96 pages, 21 euros (Ad Solem, 2010)

Délaissant des idées la poussière
Je sors de la maison.
Aux grappes de la glycine
La réalité m’enivre.

  Toute une vie intérieure se lit ici en quelques mots brefs où l’on sent la présence forte, paisible, fraternelle, de l’indicible. L’expérience spirituelle si personnelle de l’auteur semble se communiquer à nous, comme si elle nous attirait à elle, nous ouvrait des portes jusqu’alors restées closes.

Pour trouver l’Autre en son lieu
Je parcourais les montagnes.
Sa main sur mon épaule
Il était derrière moi.

  Claude Martingay invente là, quasi sans effort visible, un langage nouveau qui retrouve spontanément les plus beaux accents du lyrisme religieux. La simplicité de ce langage s’allie à une quête profonde et constante où toute l’existence est en jeu. Le poète se voit tel qu’il est, dans ses essais qui ne sont jamais que des ébauches du Verbe-Dieu.

O pauvre, ô pur miroir de l’écriture
Sans lequel je ne saurais pas
Que de part et d’autre nous sommes
Le Verbe-Dieu et moi.

Quatrains égrenés, qu’on désire reprendre encore et encore, pleins des lueurs d’une révélation qui s’offre et se dérobe à chaque fois. « Le quatrain est croix de miséricorde / Sur laquelle s’offre et meurt la vérité. »

Oui, il est bon de se retirer du tumulte des choses éphémères, des éditions et des agitations du moment, pour vivre avec ce magnifique livre comme avec un compagnon et un maître, dans l’humble partage de la contemplation sur le seuil de la prière silencieuse.

Les paupières closes
De la montagne sous la neige
Les mots nichent
Dans l’éternité bleue.

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Chronique du veilleur (9) – Yves Namur

Yves Namur est né à Namur en 1952. Médecin, éditeur, il est l’auteur d’une trentaine de livres. Il a réuni sous le titre Un poème avant les commencements une sélection de ses livres parus entre 1975 et 1990 (Le Taillis Pré en coédition avec Le Noroît). Une autre anthologie, Ce que j’ai peut-être fait paraît simultanément aux éditions Lettres Vives et regroupe des poèmes édités entre 1992 et 2012. C’est donc un parcours poétique d’une ampleur et d’une vitalité considérables qui s’offre à nous en ces deux publications. Bien sûr, l’auteur en convient le premier, il y a eu évolution de  la pensée et de l’écriture. Mais je suis sensible avant toute analyse de détail à ce qui constitue la trame de cette œuvre, son tissu vivant, des « commencements » à maintenant.

Yves Namur ne cesse de méditer sur le poème et le langage poétique. Il le fait en creusant le silence de l’énigme, par une « approche lente », en frôlant le vide. Ce sont de véritables voyages : « le voyage, dit-il, est la narration du poème, et le poème du corps. » Voyages sur le blanc de la page, voyages sur l’eau jusqu’au vertige :

dans la distance de  

l’eau, mais proche, l’eau
et le mouvement, et l’effacement,
l’oubli de l’eau et son oubli
dans l’eau,  

l’eau (le poème) et sa fuite.  

Yves Namur, Un poème avant les commencements , Le Taillis Pré/ Le Noroît, 2013, 362 pages, 25 euros. Ce que j’ai peut-être fait, Lettres Vives, 2013, 128 pages, 18 euros.

Yves Namur, Un poème avant les commencements, Le Taillis Pré/ Le Noroît, 2013, 362 pages, 25 euros.
Ce que j’ai peut-être fait, Lettres Vives, 2013, 128 pages, 18 euros.

Ce sont des traces, des inscriptions brèves, cernées d’absence, « tracé indéchiffrable », que le poète veut saisir, surtout ne pas perdre :

Ne perdre,  

ni le geste où va l’oiseau,
vers l’autre rive, vers d’autres rives,  

dans d’autres rives de fables
et de collines blanches.  

Cette blancheur règne sur l’œuvre d’Yves Namur. Elle est celle « de l’abîme et du poème », celle du livre où nous apparaît « l’autre versant de la nuit », celui que le poète  interroge inlassablement et tente d’éclairer par la puissance du verbe. Rien n’est jamais achevé, le silence précède et traverse le poème, le poème reste inachevé. C’est donc le même poème que reprend, comme un chemin de neige, l’infatigable pèlerin du silence. Et quelquefois se lève une aurore pâle, un « battement d’ailes », « une nuée d’oiseaux ».

Les livres des dix dernières années frappent par une simplicité nouvelle, un ton différent, plus proche et familier sans doute, comme voulant nous communiquer un aveu d’humilité.

Et parfois je me dis qu’il a raison le poète :
Il suffirait d’un rien, d’un tout petit rien,
Pour qu’une maison sorte aussi du poème que j’écris maintenant.

Aveu d’impuissance aussi qui conduit le poète jusqu’à se dire « maudit », lui qui ne sait « ni regarder ni toucher » ce qui l’entoure et le regarde. Pourrait-il « regarder l’intérieur des choses, atteindre ce « mystère des choses » dont parle Pessoa ? La beauté des choses est « terrible », La tristesse du figuier, paru en 2012, qui est sans doute  le livre le plus impressionnant de cette œuvre, l’affirme avec une force singulière. Le questionnement d’Yves Namur aborde dans ces pages  le pur fait de vivre. Qu’est-ce que vivre ? être réel ?

Je parle la langue des figuiers, je transpire, je tremble,
Je mange et je dors comme le figuier.
En fait, je vis exactement comme il vit.  

Et lorsqu’il perd ses fruits trop mûrs
Ou ses grandes illusions,  

Alors je me dis que suis encore comme lui
Et que c’est bien ça être réel  

S’il faut tirer une conclusion - provisoire sans doute -  de cette œuvre poétique, l’exigence très haute d’Yves Namur, son intégrité et sa sincérité, sont à souligner avant tout. Le poème peut contenir « tout ce qu’un homme peut approcher », selon les termes mêmes de l’auteur. C’est à la fois le plus ardent et le plus infime qui se puissent saisir ;  il y a aussi en lui « cette lueur fragile (…) qui attise le manque » et que seul un grand poète comme Yves Namur est capable de faire rayonner.

Chronique du veilleur

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Chronique du veilleur (8) – Philippe Mac Leod, Le vif, le pur

Pour Philippe Mac Leod, la poésie n’a jamais été un art. C’est ce qu’il déclarait en conclusion de La liturgie des saisons (Le Castor Astral), après avoir obtenu en 2001 le prix Max-Pol Fouchet. Quoi donc ? Une « conquête » de soi-même, une aventure spirituelle, une lecture lente et passionnée du grand livre de la nature.

Philippe Mac Leod vit dans les Pyrénées, dans un village à l’écart des tumultes de ce monde, une vie solitaire et contemplative. Il a publié récemment, chez Ad Solem, un livre de méditations, Avance en vie profonde, d’une très grande richesse, d’une force entraînante où l’émerveillement devant l’énigme de la création est l’énergie principale. Son lyrisme, nourri par une foi profonde, prend de plus en plus d’ampleur au fil des volumes, il sait dire l’indicible et l’impalpable avec une sensibilité rare, qui émeut et illumine à la fois.

 Le vif, le pur (Le Passeur éditeur) réunit des poèmes qui interrogent le jour, « à la pointe extrême de l’univers », dans un paysage de montagnes où tout semble purifié, resté intact :

 O jour –chair du monde- vierge sur la pierre quand l’hiver aiguisé te prête ses transparences et que la terre se creuse comme un berceau-
tu nous parles de résurrection, nous l’attendons mais tu étais là et nous ne le savions pas !

Philippe Mac Leod,Le vif, le pur, Le Passeur éditions, 2013, 92 pages, 15 euros.

Philippe Mac Leod, Le vif, le pur, Le Passeur éditions, 2013, 92 pages, 15 euros.

Bien sûr, comment ne pas penser alors à la présence du Ressuscité, dont le corps radieux s’élève depuis l’aube de Pâques dans l’infini de la lumière ? Tout est lié à lui, invisiblement, par la puissance vivifiante de l’Esprit. L’homme de prière, qui est aussi poète, laisse sa prière « devenir présence », laisse monter du fond de l’âme, dans le silence, la vie divine qui y est enclose. Pour que cette aube advienne, il faut faire silence, s’ouvrir au plus loin et au plus haut.

le clair ! l’ouvert !
où tu respires enfin
sans qu’il soit besoin d’être grand
l’infini au bout des mains
et le silence, son fouet à pleine gorge
 mais sans ivresse, pas à pas
 jusqu’au sommet où vivent les humbles.

C’est sur cette cime que nous engage à monter Philippe Mac Leod. Il nous invite à voir le plus ténu, à respirer l’air le plus vif, à écouter « un murmure de la terre », à avancer sur un chemin « haut dressé », tout intérieur mais « tissé d’un fil d’horizon ». S’adressant à ce chemin lui-même, il termine ce très beau livre en s’exclamant :

apprends-moi l’oubli, la perfection du bleu, pour avancer plus léger que l’oiseau blanc, plus rapide que l’écume grisante
jusqu’au bout
jusqu’au bout d’un élan qui te revient.

Son œuvre dessine une sorte de ligne de crête poétique et spirituelle, où la vraie vie, pure, fraîche, nous est offerte, « la vie lisse / dans un grand regard bleu/ qui pourrait être le nôtre. »

Chronique du veilleur

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Chronique du veilleur (7) – Autour de Jean Grosjean et de Philippe Jaccottet

Cinq cents pages de textes retrouvés de Jean Grosjean et réunis par son ami Jacques Réda, Une voix, un regard (Gallimard) nous offre la possibilité remarquable de parcourir le chemin littéraire et spirituel suivi par Jean Grosjean de 1947 à 2004. Toutes les faces de cet écrivain qui aura marqué la deuxième moitié du XXème siècle nous apparaissent en lumière : le traducteur, le prosateur, le lecteur et critique, le poète bien sûr.

Peut-on parler d’une évolution ? On est tenté d’en chercher une au fil des textes présentés chronologiquement dans chaque rubrique. Cependant, c’est la grande constance de cette pensée inspirée qui me frappe avant tout. Fidèle à la terre d’Abraham et à la Bible, Jean Grosjean a su traduire les psaumes, l’évangile de Jean, tant de textes anciens, dans cet esprit universel et intemporel qui fut le sien tout au long de sa vie. La simplicité des traductions n’a d’égale que la grandeur majestueuse des textes.  Ainsi, ce final du psaume 82 :

« Je disais : Vous êtes des dieux,
 Vous êtes tous fils du Très-Haut.

 Eh bien, vous mourrez comme l’homme,
Vous tomberez comme les princes. »

Jean Grosjean, Une voix, un regard, Textes retrouvés (1947-2004), réunis par J. Réda, préface de JMG Le Clézio, Gallimard, 20012, 490 pages, 26 euros

Jean Grosjean, Une voix, un regard, Textes retrouvés (1947-2004), réunis par J. Réda, préface de JMG Le Clézio, Gallimard, 20012, 490 pages, 26 euros

On le sait, la prose de Jean Grosjean était toute tissée des fils d’or de la poésie, elle s’entrelaçait avec l’écriture des vers comme dans une tapisserie sacrée. Ainsi, dans ce début de Jonathan, paru dans la NRF en 1993 :

« Une hirondelle s’attarde en l’air pour voir plus longtemps que moi le soleil me préférer l’ombre. Les feux du soir s’éteignent à l’horizon comme les paroles des anciens sur les seuils. Que pouvions-nous faire d’autre ? »

Son regard critique était libre, aigu, généreux. Il avait le génie des phrases éclairantes, qui synthétisent en quelques mots les qualités d’une œuvre, l’originalité d’un poète ou d’un penseur. À propos de Pierre Oster, il nous donnait en 2003 une vue générale de la poésie qui mérite d’être méditée, tant elle est juste et stimulante :

« Les poètes qui s’éprennent de la beauté la cachent souvent derrière des tueries épiques ou des désespoirs élégiaques, mais ceux qui préfèrent la vérité ne la montrent qu’à travers de faciles désordres ou des hideurs épatantes. C’est qu’on ne peut que voiler ce qu’on révère. Or le voile que déploie Pierre Oster a une transparence qui émeut tant elle nous met presque en tête à tête avec l’univers. »

 Le parcours poétique de Jean Grosjean révèle sans doute plus d’évolutions, depuis Apocalypse ou  Terre du temps jusqu’ aux derniers volumes, dont le charme tient à si peu de mots, à un chant crépusculaire comme sur un parvis encore dans la brume.

Mais on admirera dès 1962, dans la NRF, ses « élégies mineures » qui semblent présager déjà La rumeur des cortèges et Les vasistas.

Les nuées stagnent sur le pays.
Je  traverse les champs.
 

Je traverse mes jours dont luisent
quelques-uns faiblement.
 

Qu’au moins fleurisse à ma rencontre
le merisier des lisières.
 

S’il restait les mains vides
d’où nous viendrait de reprendre âme ?
 

C’est ce marcheur infatigable qui fut pèlerin de vérité  que nous avons pour compagnon dans ce livre. Sa voix vibre dans une tonalité unique, elle porte le message de l’éternel, celui de ce Dieu incarné sans qui l’humanité n’aurait pas de sens. « Ne rien créer », disait-il en 1956, « Seulement détecter les connivences entre le mot et l’être. » Jean Grosjean les a détectées et transmises admirablement.

Philippe Jaccottet, Taches de soleil, ou d'ombre, Notes sauvegardées (1952-2005),Le Bruit du temps, 2013, 205 pages, 22 euros.

Philippe Jaccottet, Taches de soleil, ou d'ombre, Notes sauvegardées (1952-2005), Le Bruit du temps, 2013, 205 pages, 22 euros.

« Notes sauvegardées », le volume de Philippe Jaccottet, Taches de soleil, ou d’ombre (Le Bruit du temps), vient achever la série des volumes parus autrefois chez Gallimard, La Semaison (2 volumes) et Observations et autres notes anciennes. On retrouve, de 1952 à 2005, le poète en voyage, lecteur et mélomane, rêveur et guetteur d’invisible. Certains textes, plus longs, parlent de malheurs : mort de son beau-père en 1966, mort de sa mère en 1974…Relisant les épreuves de Chants d’en bas, le poète médite sur son écriture et nous livre un précieux aveu sur sa recherche de la vérité de l’expression, qui n’est autre que le signe de sa soif intense de la Vérité. Il revient sur la mort de sa mère et écrit :

Même si je viens d’écrire que je devrais veiller plus sévèrement que jamais à la propriété, à la justesse de mes mots, je dois céder aux images si elles me viennent sans que je les aie cherchées, ni même attendues. Je dirai donc aussi que c’était, ce cadavre blanc et si extraordinairement long, mince et raide, comme un couteau qui se serait inséré dans le corps du jour, une lame glacée dont celui qui la tenait ainsi immobile ne pouvait pas être visible, d’aucune façon.

Ainsi, Philippe Jaccottet nous est particulièrement proche dans ces pages où il ne se dérobe pas à ces face à face, à ces contradictions qu’il devine en lui-même comme en chaque être humain. Loin de la « foire aux vanités » littéraire (la page sur le salon du livre de Francfort est éloquente à ce sujet), il nous fait part de ses admirations de lecteur, par exemple à propos de la collection de Pierre Leyris, « Domaine anglais » :

Il me semble que personne, en France, n’est capable d’écrire comme cela – avec cette force concrète et surtout cette apparence de naturel.

Ce sont les impressions fugitives, les notations les plus terrestres ou aériennes qui, dans ces volumes de notes, resteront comme le témoignage le plus pur de cette recherche d’une écriture « concrète ». Ce sont ces passages de nuages et de lumières, traversant le poète, qu’il a le génie de retenir dans ses filets de mots presque impondérables :

  Marche des nuages les uns au-dessus des autres, régulière, lente, ces fruits blancs gonflés des graines de la pluie, éclairés, rosis, mûris par le soleil.

 Le premier matin où flambe la blancheur de l’automne, dans l’air rafraîchi ; l’un des moments de l’année les plus aigus et les plus doux. Le ciel est comme une gloire pâle et aveuglante posée sur les feuillages de l’étendue et la voilant à demi.

La poésie de Philippe Jaccottet dépasse ainsi toutes les définitions formelles de prose et de vers, elle n’est jamais aussi grande que lorsqu’elle se fait discrète et puissante comme la lumière qui l’habite. D’où vient que cette lumière lui semble comme à nous avoir quelque chose de « sacré » ? Cela pourrait s’appeler la grâce. Sans nommer le semeur de sa « semaison », Philippe Jaccottet nous en aura fait sentir la présence. 

Chronique du veilleur

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Chronique du veilleur (6) – Alain Suied, Sur le seuil invisible

  Alain Suied nous a quittés en juillet 2008, à l’âge de 57 ans. Son œuvre de poète, d’essayiste, de traducteur est d’une très grande force, son parcours commencé dès l’adolescence par une publication dans L’Ephémère a une originalité au moins aussi remarquable que ce dernier livre, Sur le seuil invisible, paru comme les précédents aux éditions Arfuyen. Se sachant condamné par la maladie, Alain Suied a écrit les poèmes de ce livre au fil des jours de sa dernière année et les a fait connaître au fur et à mesure sur un blog jusqu’au 16 juillet 2008, huit jours avant sa disparition.

   Toutes les grandes inspirations d’Alain Suied se retrouvent là, dans cette lumière particulière de la solitude d’avant la mort : d’abord celle de la naissance (le poète avait beaucoup étudié la psychanalyse), souvent liée au thème de la douleur et du désir, mais aussi à la parole :

La parole viendra.
Pure ? Non, dans les sangs
et les souffles de la naissance.

Sur le seuil invisible, Alain Suied, Arfuyen, 2013

Sur le seuil invisible, Alain Suied, Arfuyen, 2013

La parole du poème dévoile « l’évidence du mystère », c’est ce prodige que le poète n’aura cessé de dire et d’explorer.

A chaque instant
la parole nous éveille
à la secrète Présence.

Pour que nous puissions l’approcher, il nous faut sortir de l’étau quasi totalitaire de la « modernité », de cette modernité qui « veut détruire l’Allégorie, comme elle nia le rêve et la vérité « Génésiaques ». Alain Suied, qui savait ce que c’est que se battre quotidiennement pour gagner sa vie, nous confie qu’il écrit le soir, après une dure journée de travail, « à la dérobée », la seule façon de « devenir humain ». Sous la froideur des techniques et des règles, le poète retrouve la chaleur du sang :

Masques ! Sous vos armatures
de froid métal, le visage
le pur visage saigne.

Cette chaleur, il veut la communiquer aux autres, car la poésie est d’abord pour lui « écoute et partage ». Il le fait avec une énergie, une conviction qui emportent et enflamment. Malgré toutes les épreuves, il garde l’espérance pour l’humanité en marche et en lutte.

Il ne faut pas craindre les gouffres.
Il faut craindre
notre hésitation à les affronter.
Le Poème lutte.
Il sait que toute ténèbre
porte une clarté nouvelle.

  Dans une adresse aux jeunes poètes en décembre 2007, il les appelle à se défaire de ces aliénations froides dans lesquelles la société nouvelle les emprisonne : la poésie a sans doute cette mission de vérité à remplir, peut-être son ultime mission, « face aux machineries du Social, aux cruautés répétitives de l’Économie, aux manipulations des propagandes, aux risques planétaires de vacillement global vers la violence. »

Alain Suied a ainsi témoigné hautement de son engagement d’homme et de poète, fervent missionnaire de la poésie, le regard pur tourné toujours vers l’horizon de l’avenir.

Le vent ne sait pas
qu’il porte les graines

d’une autre mémoire.

 

Le ciel ne sait pas
qu’il transporte les rêves

d’un autre oubli

 

La chair ne sait pas
qu’elle emporte tout le passé

dans un seul avenir.

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Chronique du veilleur (5) – Thierry Metz, Tel que c’est écrit

 C’est un petit livre de poèmes publiés pour la première fois dans le numéro 69 de la revue d’inspiration chrétienne Résurrection au printemps 1995. « La table est mise / l’assiette est nue » dit le premier poème : la voix est là, simple, grave, prête pour les choses essentielles. Thierry Metz était un homme de terre et d’outils. Terre (Opales/ Pleine page) le montre en chemin :

    Ce n’est qu’un chemin
  rendu dans ma gorge
     un sentier porté par les oiseaux
    par la biche
j’enviais la source d’être aussi solitaire
  d’être épargnée.

Thierry Metz, Tel que c'est écrit, Editions L'arrière-Pays

Thierry Metz, Tel que c'est écrit, Editions L'arrière-Pays, 2012

Il écrit aussi : L’outil m’entraîne. Quelquefois détesté mais grave. Mais soucieux. Et le Journal d’un manœuvre ne parle pas que de chantier et de maison à bâtir, mais d’un « campement d’hommes, venus pour écouter la terre, pour dire… presque rien… une parole cernée d’oubli, de nécessités, mais dans l’inépuisable. » Thierry Metz avait ce don rare d’être à l’écoute du plus petit miracle, de ressentir la chaleur du cœur le plus solitaire ou le plus fermé.

Beaucoup connaissent le destin tragique qui fut le sien, l’accident mortel de son jeune fils, la détresse qui s’en suivit, la mort qu’il s’est lui-même donnée en 1997. Mais ce qui touche le plus un lecteur d’aujourd’hui, c’est cet exemple qu’on pourrait presque qualifier de saint, d’une vie de labeur, de foi et d’amour, chaque jour reprise comme on reprend un fardeau pour avancer un peu plus loin.

      Chaque jour je remonte le bois sec
     sur mon épaule
     comme un corps
    que j’aurais trouvé sous un arbre
   n’ayant plus que lui
   pour nous réchauffer

L’écriture poétique pour lui relève de la même disposition du corps et de l’âme, elle ne fait qu’un avec sa façon d’être, d’accueillir l’autre, de ne pas s’enfermer :

    Ecrire
   comme si j’arrivais de nulle part
   comme si ma main
  dans la nuit
  avait reconnu l’âne
son trésor de paille.

Lorsque la douleur le submerge, sa parole devient d’une intensité et d’une intimité désarmantes, comme celle d’un proche qu’on voudrait tant secourir et qu’on voit partir dans une forêt de ténèbres inconnue d’où il ne reviendra pas :

   Je ne sais
  comment j’arrive à me suivre
  à m’entendre
à racler le peu qui me reste.

Thierry Metz ne pouvait s’installer nulle part, quelque chose le poussait, une grande force invisible, quelquefois effrayante. Jusqu’à la limite extrême de ses forces, il put travailler, au moins écrire (son dernier livre : L’homme qui penche, Opales/Pleine page, 1997) « pour retenir, peut-être, ce qui était plus penché que lui. »

Quelle conclusion donner, sinon celle de la préface émue que Jean Grosjean avait écrite pour Le Journal d’un manœuvre (« L’Arpenteur », Gallimard, 1990) :

Ce que nous pouvions prendre pour un univers de médiocrité banale se trouve être une merveille. Elle ne nous retient pas par la manche comme font les vendeurs forains. Elle parle à mi-voix et l’entende qui veut. Elle dit : Qui que tu sois tes instants ne contiennent rien d’autre, mais ils sont des miracles.  

Chronique du veilleur

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Chronique du veilleur (4) – Georges Bonnet, Entre deux mots la nuit

Georges Bonnet a publié de nombreux livres de poèmes à partir des années 80, une fois sa retraite d’enseignant prise. Livres d’une sensibilité rare, où il s’est affirmé comme un véritable maître de climats et d’atmosphères, artiste de l’infime, en sympathie avec le plus humble. Dans les années 2000, il a commencé à publier des romans poétiques et des nouvelles, chez Flammarion (Un si bel été, Un bref moment de bonheur) et au Temps qu’il fait, le dernier livre en 2010 (Chaque regard est un adieu).

Aujourd’hui, les éditions de L’Escampette font paraître son livre le plus autobiographique et le plus intensément tragique : Entre deux mots la nuit. Il s’agit de son épouse entrée dans une résidence pour gens âgés et dépendants, atteinte d’une maladie proche de celle d’Alzheimer. Le livre fait se succéder des phrases de prose, des fragments de jours, des instants passés là.  « La tendresse toujours, inépuisable issue. Je lui dis mon amour, et les mots n’ont pas d’âge. »

Entre deux mots la nuit Georges Bonnet - Editions L'Escampette

Entre deux mots la nuit, Georges Bonnet, Editions L'Escampette

Georges Bonnet

Georges Bonnet

Georges Bonnet accompagne cette lente marche vers l’absence et la détresse d’un corps « abandonné », jusqu’au moment où « les mots sont désormais trop lourds pour elle ». Il dit les promenades dans le jardin, les somnolences puis les réveils dans le fauteuil, les allées et venues des sœurs soignantes, la fenêtre de la chambre où « le paysage se pose dans l’instant ». Il regarde cette femme qui s’éloigne et qui lui fait écouter un silence qu’il n’a jamais jusqu’alors entendu. Ils évoquent le passé mais bientôt « c’est un brouillard qui se lève » au fond d’une mémoire épuisée. « Elle veut me parler, mais tout vacille, devient lointain. Elle se tait. Quelque chose en elle s’éteint, qu’elle ne comprend pas. »

Le poète la revoit « en robe légère, coiffée d’un chapeau de paille(…) à la saison où elle ouvrait les portes et les fenêtres aux lilas blancs. » Tout se referme à présent.

« Nous sommes face à face dans la clarté de l’instant.
L’instant accueilli, l’instant rendu au temps.
Sur les platanes, des feuilles jaunies frissonnent, chacune dans son attente. »

Ce livre est d’une intensité poignante, il déborde d’humanité sans aucune sensiblerie ni facilité. Bien au contraire, il affronte l’indicible d’une manière très rarement vue jusqu’ici en littérature, avec des mots de poète certes, mais qui ne pèsent pas leur poids de mots, tant les vibrations qu’ils propagent sont vives, directement ressenties par le cœur. La pudeur et le courage de l’auteur ajoutent encore à la beauté tragique de ce texte.

« Elle sait ce qui se passe autour des choses.
Je reste à l’écart de ce que je ne saurais comprendre et voir. »

C’est dans cet « écart » que se situe l’écriture singulière de ce grand livre et cet « écart » est d’abord et surtout une écoute. L’amour est partout ici, il règne doucement, sans parler, « peut-être qu’aimer est son dernier cordage », suggère le poète. « Nous buvons à la même blessure. » Communion sublime que deux êtres peuvent vivre, l’un à côté de l’autre, déjà presque au bord de la mort !  « La splendeur du vide » est là, toute proche, pour eux. On ne referme pas ce livre- qui est plus qu’un livre- intact.

C’est une grande leçon que Georges Bonnet nous offre ici, un cadeau que seuls les très grands poètes peuvent préparer avec leur souffle et leur sang, pour toute l’humanité.

Chronique du veilleur

Retrouvez l'ensemble de la Chronique du veilleur, commencée en 2012 par Gérard Bocholier




Chronique du veilleur (3) – Janine Modlinger

La forme du carnet est à l’évidence autobiographique. Mais, par opposition avec le journal intime, le carnet retient des impressions, des pensées que son auteur juge essentiel de ne pas perdre. Deux volumes de carnets, à la fois poétiques et spirituels, sont absolument à lire :

Le mendiant d’infini  (L’Arrière-Pays) recueille des fragments d’une religieuse, Françoise Azaïs de Vergeron, entrée au monastère de Sainte-Marie-de-Prouilhe dans l’Aude en 1948.  Max de Carvalho a composé ce florilège absolument unique où les louanges se succèdent avec une fraîcheur d’âme qui bouleverse le lecteur. Mais l’auteur dit aussi sa faim, l’abîme « de privation » qu’elle sonde en elle, sa détresse même que seule la Croix peut apaiser. C’est toute l’étendue des émotions et des élans intérieurs dont nous suivons l’aveu, le chant, l’effusion.

Une lumière à peine : carnets, Janine Modlinger, Ed. de l'Atlantique

Une lumière à peine : carnets, Janine Modlinger, Ed. de l'Atlantique

 

                       Prière silencieuse,
                            mystérieuse,
                        tellement cachée
                       et enfouie en moi
                      que si Tu cessais
                     de me la donner
                             je crierais
                      que Tu m’arraches
                             le cœur.
 

On rejoint là les textes les plus anciens du Christianisme, les plus classiques aussi, l’expression la plus simple et la plus ardente ne souffrant aucune altération du temps. Les noces, l’attente de l’Aimé, le ravissement, tout vient chanter ici les notes les plus pures.

                               Ta nuit n’est pas obscure,
                  elle est plus lumineuse que l’aurore.

                               C’est la nuit de l’aimée
                                unie à son Amant –
                            qui la transforme en Lui.

 Les carnets de Janine Modlinger sont des recueils d’instants de grâce que chaque être humain peut vivre dans la vie de tous les jours, mais que seul un vrai grand poète peut saisir dans la force et la justesse de l’écriture. Mais avant toute rédaction, il faut savoir regarder, écouter, s’émerveiller. Janine Modlinger a ce don si rare de l’accueil authentique et profond. Une lumière à peine (Editions de l’Atlantique) est à chaque phrase animé, éclairé, porté par une quête inlassable de la lumière infinie.

     La traversée du vivant, bénie, louée de jour en jour, cet apprentissage de la louange qui, loin d’être naturelle, s’apprend et se tisse comme un ouvrage jamais achevé.

Janine Modlinger sait combien le miracle est proche et fragile à la fois. Il peut survenir et transfigurer tout l’être pourvu qu’on l’accueille, qu’on s’incline devant lui, en sachant bien qu’il faut « s’effacer pour laisser place à plus grand que soi. » Voilà qui est religieux (le judaïsme dans lequel elle trouve ses racines est d’abord, dit-elle, « ouverture à l’ouverture ») et en même temps profondément humain. Tout l’humain en effet, corps, esprit et âme, sensualité, compassion, prière, vient s’inscrire dans ces magnifiques pages. Les mots reconnaissent leurs limites devant la toute puissance de l’indicible entrevu. Le poète sait avouer que l’écriture tisse seulement « un fin voile de sens autour de l’énigme. » Mais c’est beaucoup.

                 Seul le silence en soi, le retour au grand silence, ranime en nous une ébauche d’humanité.

Une lumière à peine, un livre qui réchauffe l’âme et qui rayonne !

Présentation de l’auteur

Chronique du veilleur

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Chronique du veilleur (2) – Gilles Baudry

Gilles Baudry prie et écrit dans l’abbaye de Landevennec. Son œuvre, publiée chez Rougerie, témoigne de son expérience du sacré, de cette approche de l’invisible dans le visible que tous les poètes, plus ou moins croyants ou même incroyants, ont eue à certains moments privilégiés de leur vie et qu’ils tâchent de traduire en poèmes.

La vocation de Gilles Baudry est de dire la Présence cachée en ce monde, de relier la nature et la grâce. Cela ne peut se faire que par une « parole qui se tait » selon sa magnifique expression. Parole où « les mots passent les mots », toujours insuffisante pour se hausser à la dimension divine à laquelle elle aspire.

                        Comment
                        peut-on confier sa vie
                        à un poème
                        écrire
                        l’invisible
                        l’azur
                        qui se laisse trouer
                        par la note abyssale ?

                        Un à un se dérobent
                        les mots

                        L’encre s’enneige
                       de furtives extases
                       dans les marges

                       sans autre voix
                      que celle qui nous manque.

(Instants de préface)

La poésie est pour lui une approche à toujours recommencer, un mouvement où le désir, la louange, la reconnaissance se mêlent étroitement, non pas une saisie, une possession, mais une allure, un chant qui ne cesserait de se répandre.

                        …Voyez
                        la sève
                        le cours de sa pensée
                        ou l’écriture de l’aléatoire
                        sous l’aubier
                       du sang

                       l’inconcevable don
                       immérité

                       d’exister sans entraves dans le chant

« Tout chante et tout fait silence », déclare-t-il. C’est bien là l’essence impensable de la création poétique. Mais la prière, qui parfois n’en est pas très éloignée, a ces mêmes deux visages, comme une lumière qui, dans son prisme, marie toutes les couleurs. Ainsi de Marie :

                        Elle joue la partition de la lumière
                        entre le rose chair et le bleu nuit.
                       Son regard de vitrail
                       s’éclaire du dedans.
                      Sa gravité légère l’apparente au ciel.

 (Nulle autre lampe que la voix)

Ainsi, Gilles Baudry, moine et poète, poursuit la même quête du divin dans une double et même tension. Dans la crypte spirituelle où il veille, il témoigne du mystère pour lequel il est si beau de vivre et d’écrire. « Pèlerin de l’horizon », il sait bien que la plus grande qualité du poète comme du croyant est d’être totalement disponible comme aux premières lueurs de la Résurrection.

                        Ici
                       pose ta vie

                       marche pieds nus
                       dans la rosée de la Parole.

(Présent intérieur)

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