Thibault Loiselle, Poèmes

Lost Highway

Voilà le ciel si noir 
qu‘il laisse le chant 
des cigales nu et 
mort. Voilà le ciel – 
figures de cire étranglées, 
couleurs léthales comme 
des poignards plantés 
aux yeux de la nuit.

Voilà à quel point le ciel 
est aveugle quand on l’allume 
avec des phares.

Sais-tu qui nous sommes ?

Deux lobes brillants 
dans la nuit des temps :
une averse de bandes blanches 
qui éjaculent le pare-brise, 
les feux une plaque d’acier
qui rampe le noir comme 
une armée de mygales.

Tu m’as saisi les yeux 
dans la bluette – 
comme si tu pensais 
pouvoir prendre plus 
qu’une ombre. Tu m’as 
saisi les yeux, baissé la vitre,
puis tu as tendu le revolver 
vers la mer. Clic. Une comète 
qui éclate sur ma rétine. Puis 
la détonation qui me remplit
comme un encens 
dans une conque.

J’ai la rage de n’avoir que 
ces yeux pleins de chair pour l’orage mais
la joie de pouvoir te les confier, 
le temps qu’un éclair prend 
pour balafrer la nuit
et se rabattre dans son ventre. Le revolver 
encore chaud de ta paume 
qui noie mes mains
dans la moiteur d’astres ensablés.
Puis je rate ma cible. Je rate 
ma cible
 pour trouver

l’étoile enfouie.

Sais-tu qui nous fûmes ?

Les couleurs pures de paix 
qui fusillent la nuit lorsqu’elle
s‘assoupit. Tu laisses le sable
galoper ta peau nue. Comme 
d’habitude tu es froid comme neige
mais tes gestes ont la chaleur 
de celui qui sait la récolter
au creux de sa main,
la voir fondre
sous sa langue en prononçant un voeu, tout bas :

soit aimé – soit le pas 
sans raison que l’oeil fait
pour dévêtir le ciel.

 

(S)ilence & (M)urmures

Ailleurs si 
j’écris. Avant
si je compte

jusqu’à trois,
tu reprendras
ta peau de nuit

et la coudra sur
mon nom pour
ne pas le perdre

si la tienne
brûle à vif. Car 
le nom dépend 

d’heures que
je n’ai pas, où
tu n’es pas

sans être à
personne
d’autre. Car

on croit que 
c’est croire 
jusqu’à ce
qu’une nuit
pleine de
 
lanières bleues
s’emmêlent. 
On croit que c’est
une peau jusqu’à

ce qu’elle se tende
assez
pour en faire
une carte.

Hérétiques

Ou encore : je n’ai été chrétien qu’au jour où le septième ciel

était presque assez haut pour que retomber en vaille la peine.
Car je n’ai jamais su mieux aimer la terre qu’à tes pieds

sur la pédale d’accélérateur, le monde une pluie de phares

qui mouillent la nuit jusqu’à ce que les mains noires du cèdre 
grelottent ton visage. L’intime de ta danse semblable à une couleuvre

lorsqu’elle se dénude au soleil pour atterrir dans le rêve

le plus blanc. Est-ce qu’il se brisera dans la foudre, ou 
durera-t-il comme une pluie d’été ? C’est ce que les

mots implorent en s’effaçant – la ligne noire et funambule
sur laquelle je cours. Après tout je ne crains plus de passer pour faible.

Ce que je crains, c’est que ma faiblesse s’arrête de faire des

entailles sur ma peau. Après tout, l’origine n’était qu’une poussière 
avec la précision d’une flèche. Après tout, l’origine n’est qu’une poussière

face au soleil qui la fait durer en la criblant - en l’aimant.

Présentation de l’auteur

Thibault Loiselle

Mon nom est Thibault Loiselle. Je suis né en 1998 en Provence. J'explore ce que la queerness me laisse explorer, les états d'extase et d'hallucination, le rêve, Dieu.

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