à la vie, imprévisible
En sous-titre de chaque poème,
une concrétion littérale des poèmes eux-mêmes, en italiques.
son identité transfuge
Gwen Dhu
L’Albatroce
elle tenta la figure de l’oiseau
percutant le ciel
perdant tout d’elle
par morceaux
à genoux dans le vide
où tournoyaient des ailes
sans corps
(civid)
pris d’un doute
le vigile crève l’alvéole noire
d’un coup d’ergot, tac
qui demeurerait en sa larve
à touiller un sang d’encre ?
aussitôt elle s’envole, hilare
vers une cime d’air
avec sa mort acrobatique
(meurhil)
la pulpe d’horizon
une fois seule
s’ouvre à chair
aux hébétudes aussi
des berges où court un demi-chien
vêtu-vif
combien de bris de vie qui courent
ras la tranche
à demi vêtus-vifs !
(ubris)
flanque ta voix dehors
claque entre les pavés
où le sabot gelé trébuche
ton écho d’insomnie
quand ta viande ne pourra plus arquer
te viendra une mouche
brailler tes humeurs frelatées
des gueules de fleurs
figent en suc mortel
la sueur de la nuit
flanque ta voix dehors
(guehors)
elle est fétu
d’une maison tout en paille
sous la grand’nuit d’été à respirer
trois fois les bois huants
prête à brûler quand midi
brandira la sentence
légère adossée contre un semblant
elle est têtue
(fédoss)
sans appui que l’air
la marche d’un cheval de biais
qu’en foraine idylle on surprendra
l’âme pincée
alors ne pas
dégringoler de l’arçon
revenir à tâtons
au point ferré d’oubli
(dydoubl)
dans l’antre aux aurochs
si cru de son corps
que dedans le roc
se griffe et récidive
en dix doigts écarlates
l’os pariétal cogne
se fêle et se brise
qu’il sache dedans lui
qui l’a orné de cornes
lui l’aurochs le chantre
(rocorn)
au nœud des terres meubles
j’enfonce inexorablement
et loque à loque ruisselantes
défilent les Absentes les Inouïs
et les Proies de la soif
que ralentisse la mort
couchée dans notre loup !
le bleu des écorces au crépuscule
quitte les bois et hisse aux cimes
une lumière prochaine
être loin de soi
où nuiter !
(rupucim)
revenue du pont suspendu
où l’insecte blanc se lançait dans l’éclair
née d’une poudre d’enfant
à la lisière de son incandescent suaire
un clown vague en sa grime
un vagabond assis par la stupeur
(nefansu)
— pourquoi tuer cet oiseau si petit ?
— il chantait dans les dunes, il frôlait de ses ailes l’écru du sable
— il n’avait pas le droit d’identifier ton désir de le savoir vivant ?
— son chant n’avait presque plus d’air, ses ailes que l’ombre pour agiter sa fin
— un oiseau t’a tué et tu ne sauras où il t’a échoué
— j’aurai donc dormi tant et tant
— à tire d’aile
(ombaile)
de ses yeux l’enfant-carbon tire
une colle noire
pâte à souiller les genoux
sculpter l’informe
il passe la nuit au bloc de sa falaise
et tout tombe au fond de soi
enraciné par les cheveux
(olloc)
on a froid vert
contre la pierre d’église
les fougères tiennent leurs crosses
et les vents de prière
paissent à mi — mots
la tiédeur de nos assassinats
(piross)
poisse et mouise en besace
tout luit hors du visible champ défécatoire
comment dire pétunia, courroux, mica
courir écervelée là-bas
brouiller sa forme
se perdre au mot
desserrer l’étreinte des joies feintes ?
(poinia)
un quart d’assise
un demi-ponton
un revers d’équilibre
cent fois la ligne de flottaison
moins la coque
la reine abyssale n’a pas quitté son roc
ni sa robe ôtée elle pense dessous
invisible soit-elle
morte peut-être
notre hésitation juste
dans l’axe du corps défait un mystère
(ortyst)
Face
l’empreinte acéphale d’un lézard
Pile
la crête d’un roi
l’Idiot retrouvera une écaille de sa tête
entre ses doigts frotteurs d’écus
il en mourra de rire
(fadio)
entre les œillères brûlantes
sa tête cogne à sa carcasse
remorque de phrases d’abattoir
qui sonnent à cloche-fêlée
un âne blanc, hi ! la carriole pleine de têtes, han !
traverse la place à grand fracas
« cherche poète à main nue
pour taire un peu tout ça »
(pharriol)