Trois poètes d’une même génération, épris d’une langue claire, et que rapprochent des thèmes, où Dieu, le silence, la mémoire fidèle à l’égard des proches et de la nature trouvent place aisée. Naturelle aussi.
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Quelque chose d’intense, comme une voix qui, longtemps après, exhume une douleur vive encore traverse les hautes pages de Noireclaire de Christian Bobin.
Vingt ans après ou les poèmes d’un réenchantement du monde, d’un visage aimé, d’une voix retrouvée.
Au thème prégnant de la mort, de la visite du cimetière répondent les mille et une sollicitations de la vie proche : le chat, les arbres « bras lancés au hasard », les « chardons bleus (qui) accrochent le jupon des lumières sans le déchirer », « l’eau dans le verre de cristal » un brin stalkérien°, les invites très japonaises des choses simples que le haïku a mises à l’honneur…
L’attention à la vie, à ces trois « chats errants » signe la mort de la mort, comme si, pour le poète il suffisait de consigner nature, vibration animale pour conjurer le pire.
Attention aux « petites âmes » des choses, proches, fragiles, à protéger, que la langue transparente du poète aide à visualiser derrière la beauté des images :
Les âmes sont des cigales
…
le foulard à ton cou savait tout de ton âme
…
Le manque est la lumière donnée à tous.
Un beau livre de témoignage : comment signer la présence d’une morte entre le blanc de la mémoire et le noir de la tombe.
° Le verre de la petite infirme télékinésiste dans l’admirable « Stalker » de Tarkovsky (1979).
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Le pays derrière les larmes de Jean-Pierre Lemaire ou comment user du poème comme tremplin vers le passé, l’enfance, les parents, les lieux, la fratrie.
Dans des textes assez classiques, souvent en référence à des épisodes bibliques, Lemaire , en « ce long chemin en poésie », a puisé dans sept livres pour donner matière à cette remontée dans le flux des images d’enfance :
Dans le petit matin la voix de ta mère
était un pont du sommeil à la vie
…
Dans les rues tu marches
sous une cloche à plongeur
où les bruits ne te parviennent
que longtemps après
amortis par les siècles
Quelques échos de Supervielle (« la grande poitrine des feuilles ») ou de Jaccottet, une vigilante appréhension d’un monde, de « l’aube d’automne » « à la mystérieuse gare d’arrivée », quelques poèmes d’un « chant dans ses yeux sombres », le bel hommage d’un fils au père en « L’uniforme » (« Dans ta propre maison/ tu serais accueilli par une jeune femme/ timide/ méfiante et par trois enfants/ apeurés devant cet homme irrecevable/ seul témoin pourtant de la miséricorde »).
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Gérard Bocholier, revuiste réputé (ARPA), poète sensible, honore dix-sept poètes aimés ses « Frères de lumière », en citant pour chacun un vers que de beaux poèmes prolongent : Supervielle, Follain, Pirotte, parmi d’autres, signent ainsi une connivence avec Les étreintes invisibles, toutes de souffles, de léger vent, de dérisoire et de gravité.
Le poète a toutes les « attentions » pour donner au visage, au temps les marques d’une approche : « les ceps / Très fatigués comme elle », « le grain du silence/ Dans le tamis du temps », ou encore « L’humble consentement/ Du jardin sous l’averse ».
Des « Psalmodies » de huitains versés pour approcher le « vent…une parole », pour noter de la nature « les branches…L’ombre et la rouille…Les échappées de lumière », pour évoquer cette Présence, ce Toi : « Pour faire entrer Ta lumière ».
Dans la grâce d’une écriture qui, jamais, ne pose ni ne pèse, Bocholier sait aussi extirper « la liasse secrète », « la vigne défunte », à ces heures où l’on « sent son cœur défaillir » et c’est le soir (comme chez Quasimodo). Vertu donc des soirs qui inspirent une voix, discrète, élégante et précieuse.
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