Un hommage à Colette, poète
La quatrième nouvelle du recueil Les Vrilles de la vigne, intitulé "Le Dernier feu", est à elle seule un bel exemple de la poésie de Colette qui transparaît sans cesse dans sa prose. Le titre lui-même annonce la chaude atmosphère intérieure de l'hiver.
A la poétique des saisons s'ajoute naturellement celle des jardins, des fleurs, "des bois que la première poussée des bourgeons embrume d'un vert insaisissable" et de l'eau qui coule sous la forme de ruisseaux et de sources.
Puis grâce au souvenir d'une enfant amoureuse du printemps se met à chanter une ode aux violettes où la prose n'empêche pas l'anaphore, l'exclamation et la personnification : "O violettes de mon enfance ! Vous montez devant moi, toutes, vous treillagez le ciel laiteux d'avril, et la palpitation de vos visages innombrables m'enivre..." Lilas et tamaris sont aussi leurs compagnes quand le soleil chauffe autant que le feu dans l'âtre.
Colette, Les vrilles de la vigne, "Le Dernier feu", livre audio.
Mais à qui s’adresse la poète ? A son double ou simplement à l’aimé présent ? Qu’importe ? L’harmonie est telle qu’elle offre l’éblouissement qui permet à Colette de répéter l’impératif : « Songe ! » à propos de la ligne d’horizon et d’ajouter plus loin : « Elle rosit, plus bleuit, et se perd, pour renaître après dans une brume roussie, dans un or plus doux au cœur que le suc d’un fruit. » Cet univers fleuri et coloré, par la magie de son vocabulaire, place cette nouvelle au rang des plus belles proses poétiques.
Et même ce qui n’est pas né est déjà, dans son évocation, une merveille digne d’un poème : « Ne cherche pas le muguet encore… mystérieusement s’arrondissent ses perles d’un orient vert, d’où coulera l’odeur souveraine… ».
Colette : Entretiens avec André Parinaud (1950).
Comme un rondeau le texte se boucle sur le feu plus beau que les beautés du jardin. Les dernières lignes éclairent la question posée au-dessus. C’est bien le cœur de l’aimé que la narratrice écoute, lui qui palpite au rythme d’une branche de pêcher rose qui « toque » à la vitre.
Avec un lyrisme si délicat au cœur d’une nature magnifique, Colette mérite, de toute évidence, sa place dans le panthéon des poètes.
Colette, © Janine Niepce. Rapho.