traduction de l’essai et des poèmes par Béatrice Machet.
Les remerciements vont à l’auteur et à Erin Scalcup pour avoir autorisé la traduction de l’article publié dans le magazine Waxwing Literary Journal, que l’on peut consulter ici : http://waxwingmag.org/writing.php?item=344
En 2003, était publié Shapeshift, recueil écrit par le poète Navajo (Diné) Sherwin Bitsui. Deux ans plus tard sortait Another Attempt at Rescue de la poète Sioux/Assiniboine M.L. Smoker. Ces deux voix représentent le début de ce qu’on peut appeler la quatrième vague de la poésie contemporaine des Indiens d’Amérique du nord. Il s’agit d’un groupe constitué de voix parlant depuis des perspectives esthétiques, tribales et empiriques très variées. Après le livre de Smoker, le mien intitulé Indian Trains, était publié, puis celui de la poète Cherokee Marianne Broyles intitulé The Red Window , suivi par le livre du poète Cherokee Santee Frazier : Dark Thirty, venait ensuite le Chromosomory de la poète Lakota Layli Long Soldier, puis Velroy and the Madischie Mafia du poète Comanche/Arapaho du sud du nom de Sy, après quoi paraissait Bone Light du poète Diné (Navajo) Orlando White, puis Leaving Tulsa de la poète Creek Jennifer Foerster. Nombreux autres livres semblent devoir suivre cette liste de publications — et rapidement.
Je ne pense pas qu’on ait parlé de la littérature indienne en termes de vagues — le seul terme que je puisse trouver est celui de « renaissance Indienne » inventé par Kenneth Lincoln et qui donne titre à son livre publié en 1983. Nous sommes maintenant nombreux, venus après ce premier mouvement. Au travers de mes recherches consacrées à la vague nouvelle, regardant le travail des écrivains Indiens et particulièrement les poètes publiés avant ma génération, je conclue que se sont imposées plusieurs vagues distinctes au sein de la poésie Indienne, et qui débute bien avant la « renaissance indienne ». Afin de contextualiser ce que je voyais dans la nouvelle vague, j’ai voulu aller en arrière et définir la première, la deuxième et la troisième vague. Ce que je découvris en me penchant sur les différentes vagues est qu’il y a quelque chose d’unique attachée à la quatrième.
La première vague est faite de tout ce qui pouvait être écrit par un ou une indienne après 1492 et avant la « renaissance Indienne ». En cherchant un auteur qui aurait écrit de la poésie à cette époque, nous trouvons principalement des auteurs émergeant qui s’adonnent à la prose comme Zitkala-Ša — dont l’ouvrage de fiction prestement déterré est maintenant enseigné par les universitaires dans les départements de littérature Indienne dans le pays. Les problèmes que les poètes et auteurs de la « renaissance Indienne » ont aussi traités sont les thèmes abordés par les auteurs de la première vague. Identité, nature opposée à modernité, authenticité, culture de la réserve opposée à celle en dehors de la réserve, souveraineté/questions de territoire, racisme/racisme internalisé, culturel/regain de la tradition, histoire, enfin les problèmes cruciaux de la langue. La différence se trouve dans l’audience. La majorité de la poésie — au contraire de la prose, au contraire de la majorité des textes de l’après première vague — étaient publiés presque exclusivement dans les journaux et magazines des écoles indiennes pour un public presque exclusivement indien. Publiée récemment , Changing Is Not Vanishing, éditée par Robert Dale Parker, est l’anthologie la plus exhaustive concernant la première vague de poésie Indienne, qui relève clairement trois problèmes essentiels. Le premier, comme déjà mentionné, est que l’audience des auteurs de la première vague est faite d’indiens. Au contraire de la première vague de proses, au contraire de n’importe quelle forme d’écrits de la seconde et troisième vague, les poètes de la première vague ne subissaient aucune pression d’écrire pour des non-Indiens. Le deuxième problème est que “les Indiens d’Amérique on écrit de la poésie en anglais ou en latin depuis presque aussi longtemps que les Euro-Américains » (Parker 4). La perception générale de l’écrit commis par un auteur Indien solo est somme toute plutôt récente. Le fait que la littérature vienne d’une longue tradition américaine change significativement la relation de la littérature Indienne avec son homologue américaine. Le troisième problème est que lorsque la première poésie Indienne ne récoltait que très peu d’attention, beaucoup d’ouvrages écrits bien avant 1930 étaient publiés et considérés comme de la poésie Indienne, bien que — étrangement — ce ne soit pas de la poésie ou bien alors ces écrits n’étaient pas écrits par des Indiens. De nombreux fragments oraux des rituels Indiens ou les chants ont été transcrits et traduits (pas toujours bien) pour des raisons anthropologiques. Plus tard une bande de poètes blancs ont retraduit ces textes sans connaître les langues d’origine, les arrangeant de leur propre chef en vers et bien souvent en les récrivant longuement (Parker 8). Encore une fois, les poètes Indiens ont écrit depuis presque aussi longtemps que les auteurs non-Indiens et ce que la plupart des anthologies ont vu comme écrits Indiens ne le sont pas. De plus, les poètes de la première vague ont écrit « selon une grande variété de styles, de formes, d’idées, cultures et buts, en diverses régions », ce qui a fait d’eux les poètes les plus prolifiques jusqu’à l’arrivée de la quatrième vague (Parker 3). Il y a des poètes comme Lynn Riggs, née en 1899 en territoire Indien, qui pourrait rivaliser avec n’importe quel poète contemporain. Dans “A Letter,” nous percevons l’usage fort du langage et le parfait contrôle, via l’enjambement, du vers ou sa fin en bout de ligne :
In my neighbor’s garden chickens, like snow,
Drift in the alfalfa. Bees are humming;
A pink dress, a blue wagon play in the road;
Guitars are strumming.
Guitars are saying the same things
They said last night — in a different key.
What they have said I know — so their strumming
Means nothing to me.
Nothing to me is the pale pride of Lucinda
Washing her hair — nothing to anyone:
Here in a black bowl are calendulas,
In my neighbor’s garden, sun. (qtd. in Parker 346)
Dans le jardin de mon voisin, comme neige,
Dérive dans l’alfalfa. Les abeilles bourdonnent ;
Un robe rose, un charriot bleu jouent sur la route ;
Les guitares grattent.
Les guitares disent les mêmes choses
Déjà dites la nuit dernière — en changeant de clé.
Ce qu’elles ont dit je le sais — donc le grattement
Ne signifie rien pour moi.
Rien ne m’est la fierté pâle de Lucinda
Se lavant les cheveux — rien pour personne :
Dans un bol noir ici se trouvent des calendulas,
Dans le jardin de mon voisin, soleil.
La deuxième vague d’auteurs dont beaucoup sont représentés dans l’anthologie Harper (Anthology of 20th Century Native American Poetry) sont les auteurs que nous pouvons nommés « de la renaissance Indienne » : Simon Ortiz, Joy Harjo, Louise Erdrich (et bien d’autres voix émergeaient à cette époque), plus l’apparition saluée du roman de N. Scott Momaday House Made of Dawn. (La maison de l’aube). C’est indéniablement la vague la plus importante, celle à laquelle appartiennent les auteurs les plus connus à ce jour. Les problèmes à résoudre étaient là encore multiples, mais principalement concernaient la questions soulevées d’être entendu le furent quand les problèmes Pan-Indiens listés au début de cet essai devinrent les problèmes principaux pour les auteurs Indiens et les critiques (et sont les problèmes pour lesquels la littérature Indienne est connue désormais). A regarder les œuvres de Ortiz, Harjo, et Erdrich, on voit que ces problèmes prédominent conceptuellement leur travail.
Dans le poème de Simon Ortiz “Spreading Wings on a Wind,”, des phrases et des mots comme “aigles”, « montagne”, « … et les gens peuplant la terre — tout cela, /la plume dans une prière, » « est, ouest, nord et sud, » « cornfood », « avant qu’il n’y ait des billard ici, » prolifèrent, et le texte se termine par : « Bon sang que faites-vous à cette terre ? Mon grand-père chassait ici, priait … ». La tradition en relation avec la nature, en relation avec rétablissement opposé à modernité, est souvent évoquée. Le thème de l’histoire se propage tout au long du “I give you back,”(je te rends) de Joy Harjo, dans lequel la troisième strophe dit : « je te rends aux soldats blancs/qui ont brûlé ma maison, décapité mes enfants,/violé et sodomisé mes frères et sœurs. / Je te rends à ceux qui volaient/la nourriture dans nos assiettes quand nous mourions de faim ». Dans « réunion de famille », Erdrich écrit à propos « d’un mystérieux frère/qui restait sur le territoire quand Ray était parti pour la ville, » ceci lance une enquête sur l’identité de la réserve opposée à celle d’en dehors. Elle utilise aussi un mélange d’Anglais et d’ Anishinaabe — une tentative d’illustrer la récupération et l’usage des langues traditionnelles—avec le mot “Metagoshe”. Bien que tous ces poètes fassent partie de la deuxième vague et travaillent avec la tradition différemment, ils montrent qu’il y a un sens d’identité Indienne globale. L’identité qui ne se trouve pas, sauf difficilement, dans le 20ième siècle. Cela est fondamental parce que le concept d’indiens d’Amérique pour une culture majoritaire était, est toujours en bien des façons, formulé par des non Indiens d’une manière qui renie même l’existence des Indiens au 20ième siècle. Pour beaucoup, le terme d’Indien ou d’autochtone rassemble les images d’un passé pan-indien. Ce que les poètes de la deuxième vague ont réussi à prouver, c’est le sentiment d’être en vie, d’exister — et d’exister artistiquement, comme tout poète le fait— au 20ième siècle.
La troisième vague d’auteurs indiens rassemble ceux qui ont été publiés avant la fin du 20ième siècle mais après la Renaissance, comme Sherman Alexie, Tiffany Midge et Eric Gansworth. Les problèmes soulevés par les auteurs de la deuxième vaque restent les gros problèmes auxquels s’attaque la troisième vague. La différence réside dans le désir d’ancrer les récits dans une identité tribale et politique particulières (bien que cela existe à un moindre degré chez certains auteurs de la deuxième vague). De plus, il y a une sorte de réalisme râpeux et détaillé dans la plupart des œuvres, avec un intérêt redoublé accordé aux cultures et modes de vie contemporaines des Indiens. Problèmes et histoire, langage, identité sont des termes utilisés en toile de fond. L’ironie, l’humour, les sarcasmes font leur apparition et sont utilisés avec une conscience post-moderne. Par exemple, dans le “Highway Robbery, #5,” de Tiffany Midge, dans son recueil Outlaws Renegades and Saints: Diary of a Mixed-Up Halfbreed( hors la loi, renégats et saints : journal d’un bâtard confus), elle parle de façon sarcastique de “Self-proclaimed shamans, plastic medicine men, Indian spirituality processed in Kmart variety packs”, des shamans autoproclamés, de medecin men en plastique, de spiritualité indienne sous forme d’assortiment emballée par Kmart (distributeur américain de biens de consommation, N.d.T.) Dans “Weeds,”, elle place son récit dans un contexte tribal bien particulier tout en illustrant de façon grinçante et réaliste l’aspect très contemporain de la vie Indienne aujourd’hui : “Our grandfather fed us a rich diet of leather-bounded / bible stories, displayed toothless grins at his own jokes, / his tonic of reservation humor, / recited prayers in Sioux when we were sick” (26–28) (notre grand-père nous nourrissait selon le régime histoires de la Bible/ficellée de cuir, il montrait son sourire édenté à ses propres blagues,/ le tonique de son humour des réserves,/ récitait des prières en Sioux quand nous étions malades). Cette tradition se poursuit avec Gandworth et son recueil Nickel Eclipse/Iroquois Moon. Dans le texte intitulé “My Hair Was Shorter Then,” il dit, plein de sarcasme et avec une conscience aiguë d’un soi postmoderne : “… having never learned / to braid my hair, looking more / like Jerry Garcia than Geronimo … a blonde haired young man in the front / row look[s] around the room quickly and seeing no / evidence, informed me it had to be one / of those crazy ass drunk Indians from down the road” (n’ayant jamais appris/ à tresser mes cheveux, ayant plus l’air/ de Jerry Garcia que de Geronimo … un jeune homme blond au premier/ rang jeta un œil rapide autour de la pièce et ne voyant aucune/ preuve, m’informa qu’un de ces Indiens comme on les trouve le long de la route, dingues et saouls, avait dû entrer ) Gansworth est lui aussi précis quant à l’appartenance tribale, avec des titres comme “Iroquois Backboard Rebound Song (III): The Art of Guarding,” ou bien il réclame l’étiquette Onondaga pour Skywoman dans “Song for a Snapping Turtle Rattle” (62, 83,( chanson pour un hochet tortue qui claque). Dans son recueil The Business of Fancydancing , Sherman Alexie, dans la nouvelle “Dead Letter Office,” dit: “I get a letter written in my Native Tongue, but I don’t understand it, so I spend the night searching for a translator, until I find Big Mom in the Bar. She speaks the language, but I have to fancydance for her, in blue parka and tennis shoes … all the other Skins … calling me by a name I recognize but cannot be sure is my own …” (36).( j’ai reçu une lettre écrite dans ma langue Indienne mais je ne la comprends pas, alors je passe toute la nuit pour trouver un traducteur jusqu’à ce que je tombe sur Big Mom dans le Bar. Elle connaît la langue, mais je dois danser pour elle, avec mon parka bleu et mes tennis … tous les autres peaux-rouges … m’appelant d’un nom que je reconnais mais dont je ne suis pas certain qu’il soit le mien …)
La quatrième vague commence avec la sortie du livre de Sherwin Bitsui, Shapeshift. Cela marque le début d’un mouvement basé sur un très grand intérêt pour l’esthétique poétique contemporaine. Nombreux sont les auteurs de cette quatrième vague qui ont obtenu leurs diplômes à l’institut des arts des Indiens d’Amérique, institut d’où sont issus de nombreux artistes Indiens (il est possible de ressentir également ce mouvement chez de plus jeunes artistes de cet institut, ceux qui n’ont pas encore produit de livres).
Quand j’étais écrivain invitée à l’institut des arts des Indiens d’Amérique — d’où plusieurs des poètes mentionnés plus haut étaient sortis quelques années avant mon séjour de un an — j’ai entendu encore et encore cette chose, qui était le désir brûlant d’être autorisé à écrire sans avoir à traîner le fardeau traditionnel des politiques littéraires Indiennes. Les jeunes auteurs là-bas se montraient fatigués des problèmes que la grande majorité des écrivains et des critiques avaient soulevés et traités, ils voulaient simplement faire ce que tout jeune écrivain veut faire : verser d’eux-mêmes sur la page. Problèmes donc pour lesquels la première, deuxième et troisième vague étaient très investies, mais qui n’ont récolté auprès de mes étudiants que des soupirs las. Quand j’insistais, une grande majorité de mes étudiants expliquaient que nos prédécesseurs avaient déjà parlé de ces choses, et que c’était leur privilège d’avoir hérité de l’absence de ce fardeau. Je compris alors que j’étais, et le suis encore, une plutôt jeune auteure moi-même, et j’avais traversé quelques années à chercher exactement où me tenir. J’avais lu des poèmes de T.S. Eliot en passant par Sherman Alexie et finalement j’avais conclu que leur travail était le même : rendre poétiquement ce qu’ils connaissaient. Après avoir lu “The Negro and the Racial Mountain,” de Langston Hughes, publié une première fois en 1926, je savais que j’avais trouvé ce que j’essayais de dire depuis des années : « nous jeunes artistes noirs qui créons essayons maintenant d’exprimer nos êtres sombres de peau sans crainte et sans honte. Si les blancs sont contents nous nous en réjouissons. S’ils ne le sont pas, cela n’a pas d’importance. Nous savons que nous sommes magnifiques. Et laids aussi. Le tam-tam pleure et le tam-tam rit. Si les gens de couleur sont contents, nous aussi. S’ils ne le sont pas, leur déplaisir n’as pas non plus d’importance. Nous construisons nos temples pour demain, forts comme nous le savons maintenant, et nous nous tenons au sommet de la montagne, libres au dedans de nous ».
Pour traduire ceci en termes d’expérience d’écriture Indienne, le sentiment était que si l’art était produit par un Indien, c’était par défaut de l’art Indien, et le souci conceptuel autour des problèmes d’identité ou de politique nous distrayait de devenir de meilleurs artistes. A l’institut des arts des indiens d’Amérique, j’ai beaucoup cité l’essai de Hughes. Et j’ai souvent parlé de forme poétique. Métaphore, son, image. Ces trois mots je les employais encore et encore pour que les étudiants aient les outils pour choisir tout ce qu’ils voulaient exprimer, leurs vies, leurs pensées, leurs paroles. Pendant des années Arthur Sze, un poète de l’image en profondeur, et son collègue Jon Davis, ont enseigné à cet institut et ont permis aux étudiants de simplement tomber amoureux de la parole. J’ai aussi présenté des poètes comme M.L. Smoker, qui comme moi écrivait des poèmes lyriques et en prose. Nous parlions de poètes comme Sherwin Bitsui, plus expérimental — un poète épique, un poète de l’image en profondeur, et j’affirmais que son travail était Diné (Navajo) dans la forme, pas seulement son contenu /concept.
Dans son poème “The Northern Sun,”, extrait de son recueil Shapeshift,Bitsui écrit, “Find me on the hood of a car racing through stars, on the velvet nose of a horse seeking its dead master waiting with saddle and bridle” (16). (Trouve-moi sur le capot d’une voiture voyageant dans les étoiles, sur le nez pourpre d’un cheval cherchant son maître mort qui attend avec selle et bride) Dans ce poème, les images se fondent rapidement l’une dans l’autre. C’est certainement la façon dont la poésie fonctionne avec la métaphore. Pourtant, comme beaucoup d’autres langues Indiennes, le Diné est une langue où les verbes dominent au contraire de l’anglais où ce sont les noms qui dominent. En langue Diné les choses vivantes sont imprégnées d’une sorte de dynamisme, de telle sorte qu’une chose devienne facilement une autre. Dans le poème “The Sun Rises and I Think of your Bruised Larynx,”(le soleil se lève et je pense à ton larynx meurtri), Bitsui écrit :
I think of your cupped hands tucked into the petals of a mud-caked sun.
The raven browned by winter moon’s breath
releases its wings,
stretches its neck,
resembles for a second
the silhouette of a horse’s head
carved from the nugget of coal
found in your grandmother’s clenched fist. (26–27)
(Je pense à tes mains en coupe nichées dans les pétales d’un soleil d’argile cuite.
Le corbeau bruni par l’haleine de la lune d’hiver
libère ses ailes,
étend son cou,
une seconde ressemble
à la silhouette d’une tête de cheval
gravé par une pépite de charbon
trouvé dans le poing fermé de ta grand-mère)
De cette façon je montrais aux étudiants comment l’identité Indienne n’est pas ouvertement affirmée en terme de contenu/concept, surexploitée sur la page ; et que si l’on fait confiance au public, il était possible de regarder les images, les sons, les langues, les lieux de leur communauté, et d’exprimer poétiquement ce qu’ils connaissaient.
Deux des auteurs de la quatrième vague, Marianne Aweagon Broyles et Santee Frazier, écrivent souvent ce qu’on décrit comme poésie narrative : des poèmes qui avancent en termes de progression dans le temps tout au long du poème (bien que je doivent dire que Frazier écrit aussi des proses). Tragiquement, la narration a fini avec le mauvais rap dans les cercles de poésie contemporaine, peut-être à cause de la forme qui semble facile. La poète ( blanche, N.d.T.) Dana Levin remarque dans son article “The Heroics of Style: A Study in Three Parts”: “Open many of the books published by younger poets since the late nineties and you will find much to delight the eye and tease the palate … [but w]hat I can (and often do) admire about such poems — lingual beauty — doesn’t linger long after turning the page. I’ve been wondering for a while how much of the poetry of my generation got into such a state of affairs”. (1) (Ouvrez les livres écrits par les jeunes poètes depuis la fin des années 90, vous trouverez de quoi vous régaler l’œil et vous taquiner le palais … mais ce que je peux (et je le fais souvent) admirer dans ces poèmes — la beauté de la langue — ne subsiste pas longtemps après avoir tourné la page. Je me suis demandée combien de cette poésie de ma génération coïncidait avec cet état de fait). Dans les poèmes de Frazier comme de Broyles, le goût perdure longtemps après avoir tourné la page. Mais en tant que poètes narratifs, leur travail n’est pas de ceux qui éblouissent par les thèmes abordés, ainsi que Levin le remarque pour de nombreux poètes contemporains ; c’est un texte qui vous emmène rapidement dans une histoire. La forme narrative est plus incomprise des formes poétiques parce qu’elle semble si facile, mais elle est belle et difficile. Broyles comme Frazier peignent narrativement des portraits merveilleux de gens qu’ils rencontrent dans leur vie, et je ne pense pas que ces poèmes auraient pu être écrits autrement et mieux sous une autre forme. Prenons par exemple le poème de Broyles, “Mohawk Horse Breaker,” (dresseur de chevaux Mohawk), à propos d’un homme à la fin de sa vie en train de mourir à l’hôpital :
Then his eyes darken over —
stars covered by a bank of storm clouds —
as Philip leaves the moment
and returns where he lies now. He releases a sigh,
the same kind of sigh
exhausted Pintos must have
let go under his craggy weight.
Now, I smile at his leather boots,
sticking out of crumpled hospital bedding,
indicative of his unbroken will.
I sure do love them horses, he declares,
and closes his eyes so he can
rejoin the world he knew before. (9)
Puis ses yeux s’assombrissent—
des étoiles couvertes par une bande de nuages orageux—
alors que Philippe quitte ce temps-là
et s’en revient où il est allongé maintenant. Il laisse échapper un soupir,
le même soupir épuisé
que les Pintos devaient pousser
sous son poids osseux.
A présent je souris devant ses bottes en peau de lézard
qui dépassent en dessous du lit d’hôpital,
indiquant, bien qu’handicapé, sa volonté indomptée.
Sûr que je les aime, les chevaux, déclare-t-il,
et il ferme les yeux afin de rejoindre
le monde qu’il connaissait avant.
Dans ce poème, Broyles avance dans le temps en racontant une histoire — ce qui est la définition de narratif. Cependant il y a des images, des sons, une absence de fétichisation autobiographique du narrateur, ou bien comme Levin le dirait :
… the decadence of the Confessionalist movement, which has informed much of contemporary poetry for the last fifty years [immediately prior to the poets Levin described above] …. Lowell’s revolutionary decision to “tell what happened” had splintered into little camps of disclosure. What the poems of these camps — poems of identity-politics, politics of familial violation and abuse … had stylistically in common was a narrative autobiographical approach where exposition of subject matter often took precedence of over imaginative shaping of language and form. (… la décadence du confessionnalisme, qui a irrigué la poésie contemporaine des cinquante dernières années [juste avant l’arrivée des poètes dont Levin parlait plus haut] … la décision révolutionnaire de Lowell de « dire ce qui se passait » a éclaté en de petits campements de dissémination. Ce que les poèmes de ces camps — poèmes de politique liée à l’identité, politiques familiales des violations et abus … avaient en commun une approche stylistique autobiographique où l’exposition du problème prenait le pas sur le façonnage inventif de la langue et de la forme.)
Les poètes de la Renaissance Indienne entrent dans le cadre de la définition du confessionnalisme. Il y a malgré tout de nombreux auteurs Indiens et des universitaires pour avancer l’argument que si le contenu des œuvres est orienté vers l’Indien, il est d’origine Indienne, mais sous de nombreux aspects il est anglo-américain, et cela dépend de l’utilisation des formes poétiques. Par exemple prenons “Mama’s Work,” de Frazier dans Dark Thirty:
Mama tucked the coffee can between her wrist and hip
and walked down Dry Creek Road. Her eyes lined-up,
blush and lipstick, her Levi’s shorts cut above the thigh.
And what it was to see those farmers cutting down wheat,
side-glancing mama, barefoot and brown. Sometimes it’s flour,
sometimes money when she empties the can. Her work
in the quiet corners of barns on the hay, on hot days
when locusts launch themselves out of thickets.
I stare down Dry Creek Road looking for her wrist and hip,
her splayed hair and small toes walking out of a pone-colored dust. (7)
Mama colla le pot de café entre poignet et hanche
et descendit la rue Dry Creek Road. Ses yeux maquillés,
blush et rouge à lèvres, ses levi’s coupés court au-dessus des cuisses.
C’était vraiment quelque chose de voir les fermiers couper le blé,
qui lorgnaient Mama de biais, pieds nus et brune. Parfois c’était de la farine,
parfois de l’argent quand elle vidait le pot. Son travail
dans les coins calmes des granges sur la paille, les jours de chaleur
quand les sauterelles se lancent d’elles-mêmes hors des fourrés.
Je regarde fixement Dry Creek Road cherchant son poignet et sa hanche,
ses cheveux allant s’évasant et ses orteils courts émergés d’une poussière couleur épis.
Comme c’est le cas avec Broyles, ce poème ne fétichise pas l’autobiographie du narrateur, n’ignore pas non plus la beauté potentielle de la forme poétique, spécifiquement la forme narrative. Dans les deux poèmes nous suivons une progression des événements orchestrée avec brio, réunis par le langage poétique qui comprend des images uniques et intensément belles. Les poèmes culminent avec des fins puissantes qui terminent les tendres portraits de vies. Je ne peux pas les imaginer écrits sous une autre forme. Ils sont frais, merveilleux, inattendus.
Etant poète universitaire, j’ai beaucoup réfléchi à pourquoi la forme narrative a récolté moins de respect que les autres formes ces dernières années. Une grande majorité de jeunes écrivains Indiens et latinos se sont investis dans la poésie expérimentale, bien qu’ils détestent mettre un label sur leur travail. Pendant que j’étais à l’institut des arts des Indiens d’Amérique, j’ai assisté à des discussions mettant en question l’influence de Sze. Il semblait y avoir un consensus émotionnel qui posait la poésie expérimentale comme permission d’échapper à toutes les politiques du passé. S’il n’y avait qu’un investissement exclusif dans le langage, les poètes pouvaient partir du travail dogmatique éculé : contenu-au-dessus- de la forme, ce qu’ils trouvent eux-mêmes tellement fatiguant. La forme poétique narrative était devenue synonyme de confession poétique fétichiste, dans lequel l’auteur n’exprimait pas poétiquement une série d’événements culminants à un moment du poème avec le portrait d’une personne, comme dans le cas de Broyles et Frazier, au lieu de cela l’auteur poursuivait un concept dogmatique ou personnel, premièrement pour — bien que faisant semblant de s’y opposer — un public de blancs. C’est ce qui retenait mon attention quand j’étais étudiante : l’idée que les auteurs Indiens du passé avaient été chargés du fardeau d’expliquer à tous les blancs ce qu’étaient tous les Indiens, ce qui a donné pour résultat le sentiment schizophrénique de ne jamais autoriser le soi poétique de se tourner vers l’intérieur, l’intime, ou d’imaginer ce que leur propre famille, ou communauté, penseraient de leurs œuvres.
Nombreux sont les écrivains Indiens, cinéastes et artistes de diverses disciplines que j’ai rencontrés ces dernières années qui diraient: “ Look. I know where I come from.”( Regarde. Je sais d’où je viens) Ce qui signifie : je n’ai pas beaucoup besoin d’explorer l’identité, de faire des recherches historiques, je suis ce que je suis, je suis d’où je suis, que cela soit un pur Navajo de la réserve ou un Indien urbain métis multi-tribal. Il s’est opéré un désintérêt à prouver son authenticité indienne à un public blanc ; désintérêt doublé d’un engagement dans la conversation de plus en variée et fascinante, qui s’est développé dans les milieux artistiques Indiens, à propos des esthétiques à explorer. Parfois cette réaction semblait extrême, car il y a de nombreux écrivains Indiens des trois premières vagues qui ont été capables de transcender toutes les étiquettes et qui sont de merveilleux artistes en leur genre auprès de qui j’ai tiré mon inspiration, et qui ont été la raison pour laquelle j’ai su comment dire ce que j’avais à dire, que c’était valable. J’ajoute que chaque auteur est inévitablement étiqueté, aussi fort se bat-il contre cela. Notre travail est de l’accepter et d’aller de l’avant, de façon à ne pas compromettre la vision artistique qui n’appartient qu’à nous. Quiconque produit de l’art, n’importe quel sens cela prenne pour le public, n’échappera pas à cette dynamique, spécialement s’il appartient à un groupe minoritaire, parce que l’industrie de l’art est en majorité blanche, masculine, et rigide. Particulièrement rigide envers les Indiens, tous ceux de peaux foncées venant d’une réserve, on leur demandera de représenter une sorte d’étrange esthétique pan-indienne anti-individualiste ; et si cet artiste est plus clair de peau et ne vient pas d’une réserve, il sera toujours coupable de ne « pas ressembler à un Indien »/ « n’être pas assez Indien », que tous ces Indiens écrivent sur les problèmes d’identité dans tous les sens du terme ou choisissent d’écrire de jolis vers légers à propos des fleurs.
Dans le recueil Bone Light d’Orlando White, nous entendons une voix qu’on pourrait dire orientée vers l’expérimentation et l’exploration du langage, car il y a l’usage de l’espace dans la page ; des vers courts avec enjambements plus une prise de distance avec les sujets et lourds signifiés des ouvrages orientés vers un contenu. Tout au long du livre nous suivons l’usage ludique de la ponctuation, l’usage de la lettre « i » devenue personnifiée et homme tandis que la lettre « j » est personnifiée et devient femme. Dans “Analogy,” White écrit: “See them on the bed of a page, how they hyphenate, how they will create language together” (47) (regarde les sur le lit de la page, comment ils trait‑d’unionnent, comment ils créeront langage ensemble). C’est sexy, et finalement drôle. Cela revient à dire ce que Carlos Williams disait de la poésie, qu’il devait y avoir du plaisir dedans.
Pendant des années j’ai enseigné à des étudiants qui le premier jour entraient comme si j’allais les électrocuter, surtout quand le mot effrayant de « poésie » était prononcé. Mais quand je leur présentais des livres intelligents et drôles, que je leur demandais de discuter pas seulement du contenu et de l’analyse, ils commencèrent à s’ouvrir et à parler volontiers de ce qu’ils aimaient ou pas dans ces livres — quelque chose qu’ils semblaient n’avoir jamais été encouragés à faire, ce qui m’attrista beaucoup. Plus précisément, à propos des étudiants de l’institut des arts Indiens d’Amérique, je pensais combien ils avaient envie de s’amuser. De jouer. D’écrire et de tomber amoureux de l’acte d’écrire. Et je pensais que c’était bien de prendre du plaisir. Nous apprenons pour le plaisir. Cela ne signifie pas que la quatrième vague ne s’engage pas dans son travail dans le langage ou dans les problèmes de territoires, et tous les autres problèmes qui s’ensuivent de ces premiers. En fait, et comme pour le travail de White, son désir de considérer les bases de l’alphabet anglais est né dans son histoire personnelle, ainsi qu’il l’explique dans le récit (“To See Letters.”) placé au début de son livre : “Everything I write requires this: Alphabet … I always called my step-dad, David … He tried to teach me how to spell … He shouted out, ‘Spell them out you little fucker! I am going to hit you if you don’t’ … When David hit me in the head, I saw stars in the shape of the Alphabet. Years later, my fascination for letters resulted in poems” (13–14). (Tout ce que j’écris exige ceci : un alphabet. … J’ai toujours appelé mon beau-père David. … Il a essayé de m’enseigner l’orthographe… Il criait : « épèle-les petit con ! Je vais te frapper si tu ne le fais pas » … Quand David me frappa à la tête, je vis les étoiles en forme d’alphabet. Des années plus tard, ma fascination pour les lettres aboutit en des poèmes.) Donc les problèmes, restent toujours les mêmes problèmes.
Je comprends alors pourquoi les esthétiques expérimentales — ou dans un monde de fiction, postmodernes, sont devenues si attractives pour les jeunes artistes Indiens. Bien que cela soit une forme issue des universités blanches (et qu’on aille sur le site de la Poetry Foundation pour voir que la discussion déborde sur le monde artistique dans sa plus large compréhension), c’est une esthétique qui enterre les faiseurs d’identité aussi profond qu’elle le peut, de telle sorte que ceux qui voudraient mettre à part notre travail pour mettre en valeur des arguments cohésifs, solipsistes , universitaires, réducteurs, orientés sur le contenu, se trouveront eux-mêmes abandonnés des faiseurs traditionnels avec qui l’université se sentait à l’aise quand il s’agissait des écrits des Indiens. Malgré cela, comme nous pouvons le voir dans le récit de White au début de son recueil, même quand nous effectuons un changement esthétique, en terme de forme, si la réalité de nos vies ne change pas, elle se glissera dans une brèche de notre subconscient — que ce soit la forme narrative, lyrique, expérimentale, prose, ou quelconque autre orme stylistique que nous choisissons.
Alors comment comprendre cela ? Vivons nous, en un sens, sous contrôle radar, avec poésie narrative/expérimentale, ou bien affirmons-nous fièrement avec la poésie orientée vers un contenu de confession ? On pourrait dire que toutes ces formes ne viennent pas de nous. Pourtant … quand vous regardez les poètes de cette nouvelle vague, vous verrez qu’ils utilisent la forme poétique à bon escient, pas comme une béquille : les poèmes narratifs ne sont pas seulement des confessions bavardes — elles contiennent des images. Les poèmes explorant le langage ne sont pas seulement des moyens intelligents de jouer avec les mots sur la page — ils sont des phrases forgées avec soin, et cela ajoute à l’expérience sensorielle. Hogans, sweetgrass, bagnoles des réserves apparaissent encore — mais ce ne sont pas seulement des prétextes à faire la preuve de l’identité du poète, ils ajoutent à la beauté du poème. Prenons l’exemple de “From a Tin Box” de M.L. Smoker :
“In my uncle’s old army chest the teeth of an elk rattle — a full-grown elk who gave up his life one November. The chest is standard issue, safe at the side of my uncle’s bed. Every morning his toes touch down, four inches from the metal, from the strong ivory-tinted teeth that listen for this awakening. He smiles at this. He calls the teeth a shelter, a low ridge sprouting new grasses. My uncle opens the chest and gathers them into the shadow of his thick, cupped palms. He confides in them a dream from the night before, ever careful to listen for its meaning as the teeth click quietly together and sing”. (39) (dans le vieux coffre de l’armée de mon oncle les dents d’un élan vibrent — un élan pleinement adulte qui avait donné sa vie un mois de novembre. Le coffre est un exemplaire standard, sûr, à côté du lit de mon oncle. Chaque matin ses orteils se posent, à quatre pouces du métal et des dents solides couleur ivoire qui attendent ce réveil. Il sourit. Il appelle les dents un abri, une basse crête faisant germer de nouvelles herbes. Mon oncle ouvre le coffre et les rassemble dans l’ombre de ses paumes épaisses jointes en coupe. Il leur confie un rêve de la nuit d’avant, toujours concentré sur sa signification pendant que les dents cliquètent doucement et chantent.)
Le mot sweetgrass n’apparait pas, le mot réserve est absent, pas de reconstruction historique, pas de fétichisation du narrateur, pas de discussion de racisme/racisme internalisé, pas de problèmes de proportion de sang/appartenance tribale ; c’est de la prose narrative, que nous pourrions dire expérimentale. Mais je dirai que malgré l’absence de ces repères, parce qu’elle écrit à propos de quelqu’un qu’elle connaît, qu’elle laisse quelques tendres fragments de sa vie habiter le poème naturellement, ce qui devrait être dans tout poème — les morceaux et bouchées qui échappent même aux meilleurs critiques, la minuscule entre-les-lignes petite chose mystérieuse et intangible — est là … et cela renforce, dans son cas, le portrait d’un homme Indien, d’un monde indien d’où elle vient. Ce qu’on entend, les images, cela vient d’elle — elle n’essaie pas de forcer un cahier des charges, elle est, tout cliché que cela puisse paraître, en train d’écrire ce qu’elle connaît. C’est tout. Et c’est tout ce qui est nécessaire, comme le disait Hughes il y a presque 83 ans.
Il y a aussi des poètes de la quatrième vague qui véhiculent une grande part des préoccupations des deuxième et troisième vagues, en termes de poétiques conceptuelle et orientée vers le contenu. Par exemple Sy Hoahwah dont la forme poétique ne semble aller que dans la rubrique vers libres, utilise des termes comme “powwow,” “tambour,” “Indien,” et “coyote” très librement comme les poètes de la deuxième vague ; mais c’est enraciné dans le contexte tribal spécifique comme le faisaient les poètes de la troisième vague. Dans “Madischie Mafia,” il dit : “Dee is Cheyenne, / Arapahoe, Comanche, Kiowa and Fort Sill Apache. / He couldn’t enroll into any tribe / but he can grass dance, bump and grind … Stoney has four wives, Indian way. / He has ghost medicine .… He sells peyote and coke to the white boys” (2).(Dee est Cheyenne / Arapaho, Comanche, Kiowa et Apache Fort Sill /Il ne pouvait appartenir à aucune des tribus/ mais pouvait exécuter la danse de l’herbe et la bump et la grind … Stoney avait quatre épouses, à l’indienne./ il détient la médecine fantôme .. il vend du peyotl et de la coke à des garçons blancs) Les enjambements et les fins de vers semblent soumis au constat politique global. Il n’y a rien en termes de forme qui semble dominer dans le poème ou dans le recueil. Pourtant il y a une sorte de conscience postmoderne propre à la troisième vague tout en gardant l’engagement historique, langagier et identitaire propre à la deuxième vague.
Contrastant fortement avec le travail de Hoahwah, celui de Foerster, bien que ne correspondant pas exactement aux différentes formes poétiques, appartient à la quatrième vague sans conteste, avec un penchant pour les images. Ses poèmes sont croustillants et merveilleusement pleins du paysage d’Oklahoma et du désert du sud-ouest américain. Ce sont des vers libres qui chantent avec la tension dramatique des images prises dans des strophes directes et acerbes, Il y a une structure distincte, une attention aux sons à travers les schémas de rimes internes. Bien qu’il y ait un certain nombre de mots que le public peut reconnaître comme Indiens, une légère résistance dans le poème est sensible à ce que le dit public pourrait reconnaître comme Indien. Prenons par exemple “Pottery Lessons I.”:
Hokte hokte hmvnwv*
Begin here
with the clay she says
under her breath a handful of earth
from silt-bottomed streams
loosens between fingers water
echoes in an empty bowl hokte
hoktet hecet os*
I was birthed of mud blood
And bone hokte
Hoktet hecet os. (13)
Hokte hokte hmvnwv*
Commence ici
avec l’argile dit-elle
à voix basse une poignée de terre
du fond vaseux des courants
lâche entre les doigt l’eau
résonne dans un bol vide hokte
hoktet hecet os*
je suis née d’argile de sang
et d’os hokte
Hoktet hecet os.
Cela commence en Creek / Muskogee, s’aliénant potentiellement une audience qui cherche une connexion simple avec quelque chose d’Indien. Des mots comme “powwow” or “maïs” résument assez bien ce que les gens pensent aux USA de ce qui est Indien. Mais si l’on commence avec une langue qui n’est pas l’anglais, alors le poème vous dit que son public idéal est Muskogee. Puis il y a les sauts de ligne merveilleux qui rendent chaque vers et chaque strophe dense et coute. De plus, les images sont rares mais riches, et tout le morceau se rassemble comme dans un collage, ce qui donne un sentiment impressionniste que ce qui est dit dans le poème est un souvenir, ce qui ne peut s’exprimer que par flashs d’images. De cette façon le contenu est soumis au sentiment global du poème et les images sont ce que nous retenons plutôt qu’une affirmation sur les Indiens en général.
Le dernier poète que je voudrais évoquer est Layli Long Soldier. Elle était mon étudiante à l’institut des arts des Indiens d’Amérique (bien que j’ai souvent eu l’impression que j’étais la sienne), son travail est non seulement magnifique et émouvant en termes de langage, mais il est vraiment innovant en termes de forme. Dans sa plaquette Chromosomory, il est évident que son écriture est à la croisée de la poésie et de la fiction. Souvent, comme dans son poème “Timing,” elle utilise le poème en prose à sa plus pure réalisation : un bloc de texte guidé par le langage, avec des images se fracturant les unes sur les autres, ajoutant au portrait d’un sentiment ou d’un moment plutôt que de poursuivre le développement linéaire d’une histoire. Long Soldier dit : “They talk about death. One with red blotches about her wide face, lead grey bowls cut below the eyes. The other with a bird-like pallor, the morning in her lashes” (10) (Elles parlent de la mort. L’une avec des reflets rouges prêt de son large visage , cheveux gris-plomb coupés au bol sous les yeux. L’autre d’une pâleur d’oiseau, le matin pris dans ses cils.) Dans “Waves Between,” (Des vagues entre) Long Soldier pose des blocs de prose tous guidés par l’image et le langage, qui s’ajoute à une sorte de développement linéaire d’une histoire jusqu’à la fin du poème. Cela commence par “Should I slide under the sheets quietly, put my body close, say, Are you awake? There’s a small wire between us, on low ebb, my mother in the next room, baby on alert to knock or footstep” (5).( Devrais-je me glisser sous les draps tranquillement, approcher mon corps, dire, es-tu éveillé? Il y a un petit fil de fer entre nous, à marée basse, ma mère dans la pièce à côté , bébé sur le qui vive prête à frapper donner des coups de pieds.)
Ce qui me frappe à propos de la quatrième vague — et pourquoi je pense qu’elle est allée une étape plus loin que les précédentes — est qu’elle a trouvé sa liberté, son plaisir, sa licence poétique. Elle manifeste peu d’intérêt pour l’authenticité ou le concept — qui viendra naturellement. Et cela invite certainement un public Indien et tous les publics. A cause des esthétiques talentueuses et variées de la quatrième vague, une merveilleuse grâce se dégage qui parle autour d’un cercle plein de telle sorte qu’une cinquième vague soit capable d’ignorer les exigences d’un public plus large et simplement blanc pour le talent et la joie qu’elle contient. La majorité des poètes de la quatrième vague dont j’ai parlé dans cet essai arrive à faire avec la forme ce qui n’avait jamais encore été fait; ils ont hérité du très bon. Ils sont engagés d’une façon que l’expérimentation de la forme peut simultanément exprimer leur intérêt poétique personnel et rechercher à travers sons et images ce qu’eux, indiens, sont les seuls à pouvoir exprimer en poésie. Quelque chose se passe, quelque chose de grand, ou comme M.L. Smoker le dit dans son poème de forme épistolaire, un qui est écrit pour Richard Hugo: “There’s just something about the remissible wave of a cast which feels like the biggest commitment of all” (64).( il y a simplement quelque chose à propos de la rémissible vague d’un générique qui est ressenti comme le plus grand engagement de tous)
Ouvrages cités
Alexie, Sherman. The Business of Fancydancing. Brooklyn: Hanging Loose Press, 1992.
Bitsui, Sherwin. Shapeshift. Tucson: U of Arizona P, 2003.
Broyles, Marianne Aweagon. The Red Window. Albuquerque: West End Press, 2008.
Foerster, Jennifer Elise. Leaving Tulsa. Tucson: U of Arizona P, 2013.
Frazier, Santee. Dark Thirty. Tucson: U of Arizona P, 2009.
Gansworth, Eric. Nickel Eclipse/Iroquois Moon. East Lansing: Michigan State UP, 2000.
Hoahwah, Sy. Velroy and the Madischie Mafia. Albuquerque: West End Press, 2009.
Hughes, Langston. “The Negro Artist and the Racial Mountain.” The Nation 122 (1926): 692–694. Rpt. in Modern American Poetry. University of Illinois at Urbana-Champaign, n.d. Web. 6 Mar. 2015.
Levin, Dana. “The Heroics of Style: A Study in Three Parts.” The American Poetry Review 35:2 (2006). Web. 6 Mar. 2015.
Lincoln, Kenneth. Native American Renaissance. Berkeley and Los Angeles: U of California P, 1983.
Long Soldier, Layli. Chromosomory. Lubbock, TX: Q Avenue Press, 2010.
Midge, Tiffany. Outlaws, Renegades and Saints: Diary Of A Mixed-Up Halfbreed. New York: Greenfield Review Press, 1996.
Niatum, Duane, ed. Harper’s Anthology of 20th Century Native American Poetry. San Francisco: HarperSanFrancisco, 1988.
Parker, Robert Dale, ed. Changing Is Not Vanishing; A Collection of Early American Indian Poetry to 1930. Philadelphia: U of Pennsylvania P, 2011.
Smoker, M.L. Another Attempt At Rescue. Brooklyn: Hanging Loose Press, 2005.
White, Orlando. Bone Light. Los Angeles: Red Hen Press, 2009.
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