Une maison pour la Poésie 4 : La Péninsule — Maison de Poésie en Cotentin : entretien avec Adeline Miermont Giustinati

La Péninsule-Maison de poésie en Cotentin a été créée en 2022 sous l'impulsion d'Adeline Miermont Giustinati et de la Factorie-Maison de poésie en Normandie (Val-de-Reuil), unique structure de ce type sur le plan régional jusque là. C'est dire que ce lieu a été accueilli avec bonheur sur le territoire « bas-normand ».

Une orientation très contemporaine et féministe (tournée vers le matrimoine et les écritures de femmes) a été décidée, ainsi qu'une volonté de mettre en valeur la création sonore, la performance et les croisements avec d'autres pratiques artistiques. 

Journées Européennes du Patrimoine, lectures, soirées, ateliers d'écriture pour enfants et adultes, podcast, sont un échantillon des domaines mis en avant par cette Maison inventive et riche.

Adeline Miermont Giustinati, maîtresse d'œuvre, a répondu à nos questions.

Chère Adeline, peux-tu nous parler de la Maison de poésie du Cotentin, et de l’association qui porte cette belle entité ? Quelles sont les actions que tu mènes ?
La Péninsule-Maison de poésie en Cotentin a été créée en 2022 sous mon impulsion et celle de la Factorie-Maison de poésie en Normandie, située à Val-de-Reuil, dans l'Eure. Nous avons commencé une activité sans « maison » à proprement parler, en s'associant à divers lieux culturels de Cherbourg. Le premier événement a eu lieu en janvier 2022, avec une soirée organisée dans le cadre du festival « Les Poètes n'hibernent pas », et une lecture-concert de Laure Gauthier (devenue marraine de la Péninsule) et Olivier Mellano. J'ai continué de mener une activité en proposant des ateliers d'écriture et de découverte de la poésie actuelle réguliers et en organisant des lectures-rencontres à des moments-clés de l'année : Les Poètes n'hibernent pas, le Printemps des poètes, le 8 mars-Journée de lutte pour les droits des femmes, les Jounées du Patrimoine et du Matrimoine. J'en profite pour préciser avoir donné une couleur féministe à la Péninsule, c'était quelque chose de très important pour moi.

Adeline Miermont Giustinati.

Depuis l'été dernier, l'association s'est implantée dans une friche d'artistes, située dans un ancien hangar de construction de bateaux, sur les quais de Cherbourg, où je jouis d'un atelier partagé pour travailler ainsi que d'espaces communs pour les ateliers d'écriture et les événements. Ce lieu s'appelle La Cherche, et j'y trouve une belle énergie, un esprit collégial et multidisciplinaire. Par ailleurs, en janvier dernier, j'ai accueilli ma première poète en résidence, en la personne de Nat Yot, en partenariat avec la Factorie. Enfin, j'ai créé un podcast, L'Oreille de la Péninsule, hébergé par Arte Radio, où je diffuse des interviews et des poèmes sonores que l'on m'envoie. Le prochain sera d'ailleurs diffusé le dimanche 10 mars, à 21h, avec beaucoup de textes d'auteurices talentueux.se.s, sur le thème de la « nuit ».
Pourquoi une association, qu’est-ce que l’entité associative apporte ?
C'était la meilleure façon pour moi de démarrer une activité, d'avoir un statut, simplement, sans lourdeurs administratives, et sans investissement particulier. Le côté collégial,  participatif, était aussi une valeur essentielle pour moi, cela me paraissait évident, et cela permet à toutes les personnes qui souhaitent s'impliquer, de près ou de loin, à la structure, de l'intégrer et de la quitter, très simplement et librement. Il est également possible d'obtenir des aides, des financements publics, avec le statut associatif, afin de continuer l'activité et surtout de la développer. C'est une donnée essentielle.
Comment vit ton association, et est-ce facile, en ce moment ?
Non ce n'est vraiment pas facile, j'ai l'impression que ça ne l'est pour personne, particulièrement dans le domaine culturel, et encore moins pour la poésie, qui est au bout du bout de la chaine... J'ai fait beaucoup de demandes de subventions à l'automne dernier, et suis en attente de reponses. Je ne me fais pas trop d'illusion car La Péninsule est une jeune structure et, hormis les ateliers d'écriture, elle n'a pas une activité régulière, tout au long de l'année. Je m'investis au maximum mais j'ai d'autres activités, notamment pour gagner ma vie, ainsi qu'une famille, j'espère agrandir l'association afin de constituer une vraie équipe. Cela fonctionne malgré tout jusqu'à présent, lentement mais sûrement, grâce aux adhésions, aux dons, au produit des ateliers, et à la confiance renouvelée de la Factorie et des lieux où l'on organise des événements (La Bouée, l'Autre lieu, la Cherche) et qui nous font souvent profiter de leur matériel, de leurs bénévoles. Ce n'est pas négligeable.
C'est comme cela que l'on tient et que l'on avance, grâce à la solidarité inter-associatives et aux énergies mises en commun. Je crois beaucoup en ça. Je trouve que c'est un fonctionnement assez sain, même si on galère... Mais comme le dit la devise de La Cherche : « Tout seul on galère, ensemble on galère mieux !
Quelle est votre programmation pour le Printemps des poètes ?
L'an dernier j'avais animé des ateliers d'écriture tout au long du mois de mars, sur le thème « frontières » et invité la poète-slameuse Rouge Feu pour une performance dans le cadre du Printemps des poètes et du 8 mars et festival cherbourgeois « Femmes dans la ville ». Par manque de fonds, je n'invite pas d'auteurice cette année, mais il y aura des ateliers avec un podcast à la clé des textes produits, sur le thème « grâce à ». Les participants seront invités à écrire des textes rendant hommage à une personne, un.e poète, un.e artiste, qui l'a marqué.e dans sa vie. 
C'est la façon que j'ai trouvée, malgré tout, pour participer à ce Printemps, dont je trouvais le thème assez peu inspirant. Finalement, c'est un événement auquel j'adhère assez peu, que je trouve à côté de la plaque, très « parisiano-centré », même s'il permet à beaucoup de poètes de mener des actions (et ça, ça reste essentiel). Je privilégie, avec la Péninsule, le festival « les Poètes n'hibernent pas », le 8 mars et les Journées du Patrimoine et du Matrimoine. Nous allons également participer au festival de musique de chambre « La Hague en musique » cet été, avec des lectures de poétesses, toutes époques confondues, en mettant l'accent sur des autrices oubliées. Et en 2025, la Péninsule devrait aussi s'associer au festival « Poesia », organisé là aussi par la Factorie.
Est-ce que le Printemps des poètes offre une visibilité à la poésie et à vos programmations ?
Je pense que c'est effectivement une belle vitrine pour la poésie contemporaine, avec la possibilité aux auteurices actuel.le.s de travailler avec les médiathèques, les écoles, les maisons de poésie, les théâtres..., avec un budget annuel dédié à ces manifestations. Cela permet aux poètes et à la poésie d'exister. Mais il n'y a pas que le Printemps des poètes, beaucoup d'inititatives sont menées tout au long de l'année par tous les acteurs de ce milieu fragile mais extrèmement dynamique. Citons bien sûr le Marché de la poésie à Paris, le festival Voix Vives en Méditerrannée à Sète, pour les plus connus, mais également Midi Minuit à Nantes, Poema à Nancy, Poésie et davantage à Alençon, Les Poètes n'hibernent pas en Normandie, le Marché de la poésie de Lille, Traces de poètes à l'Isles-sur-la-Sorgue, Et Dire et Ouïssance près de Rennes, et beaucoup d'autres car il y en a énormément. Mais pour revenir au Printemps des poètes, je pense qu'un mouvement de mutation et de refondation de cet événement est nécessaire, un mouvement dans ce sens à pris forme le mois dernier suite à la tribune signées par 1 200 poètes et acteurs littéraires contre la nomination de Sylvain Tesson comme parrain de la manifestation 2024. Beaucoup de voix se sont élevées, j'ai personnellement et avec la Péninsule, signé cette tribune et pris part au débat. Je pense que tout ce mouvement est très sain, cela a permis aux auteurices de s'exprimer, d'exister sur la scène littéraire et médiatique, de réfléchir sur la place du poète aujourd'hui et même de se positionner dans la sphère politique.

Des projets ?
Il s'agit essentiellement de continuer les partenariats existants et de réitérer des manifestations que nous avons déjà organisées comme les Poètes n'hibernent pas, le 8 mars, la soirée Matrimoine en septembre. Comme nouveaux projets dans les tuyaux, il y a cette participation à « La Hague en musique », cet été, ainsi que la participation de la Péninsule au festival Poesia en 2025, toujours avec la Factorie. Par ailleurs, j'aimerais continuer l'accueil d'auteurices en résidence à Cherbourg, comme je l'ai fait en janvier dernier, mais aussi à un autre moment de l'année, dans le Cotentin au bord de la mer. C'est un projet en cours, pour 2025, que je travaille avec le poète Eric Chassefière, qui a rejoint l'association, avec sa femme l'artiste Catherine Bruneau, tous les deux sont basés à Montpellier mais ont un ancrage dans le Cotentin, dont ils sont tombés amoureux il y a bien longtemps. Enfin, je vais continuer de créer des podcasts pour mettre à l'honneur la poésie sonore, les ateliers à la Cherche, mais aussi dans les écoles, les prisons et les hôpitaux, et organiser quelques scènes ouvertes et des projections de vidéopoème. Tout ça est, je l'avoue, assez ambitieux, en parallèle de mes activités de rédactrice-relectrice à mon compte et d'autrice. Je serais tout à fait heureuse si je réalise la moitié de ces objectifs !
Merci Adeline ! 

Présentation de l’auteur

Adeline Miermont-Giustinati

  Née à Nancy en 1979, Adeline Miermont-Giustinati est diplômée en Humanités et en Création littéraire. Elle vit depuis cinq ans dans La Hague, près de Cherbourg. Elle a exercé les métiers de rédactrice et relectrice dans la presse écrite et sur le web, professeure de français et de français langue étrangère, avant de se consacrer entièrement à l'écriture et la littérature.
       Autrice de plusieurs recueils de poésie et de textes publiés en revues, anthologies et sous forme de livres d'artiste, elle se dit également “passeuse d’écriture”, et met ses compétences d'écriture et littéraires, au service de différents publics, assurant la relecture et le suivi de manuscrits et en proposant de l'accompagnement rédactionnel, notamment pour des récits de vie.
      Elle a fondé la revue Carabosse, à sensibilité poétique et féministe, et l'a dirigée pendant deux ans. Enfin, elle a créé la Maison de poésie en Cotentin, baptisée La Péninsule, située dans le hangar d'ateliers d'artistes La Cherche, à Cherbourg, et qui met à l'honneur le matrimoine et la création sonore. Elle y organise, depuis deux ans, des événements poétiques (lectures, rencontres, performances, ateliers d'écriture, scènes ouvertes, projections vidéos, podcasts), et accueille également, depuis cette année, des auteurs en résidence.

© Crédits photos Adeline Miermont

Bibliographie

Recueils :

De Chair et de chimères (La Bruyère, 2007) qui a donné lieu à une performance par trois comédiennes à la Lucarne des écrivains (Paris);

Entre les côtes de Mehen (Sélénites², 2013), en collaboration avec l'artiste-plasticienne Émeline Sourget avec qui elle monte la maison d'édition et participe à plusieurs expositions, salons et lectures publiques, en Bretagne et Normandie;

Incises (CMJN, 2016), livre d'artiste écrit en regard de gravures de Thierry Tuffigo,

Sumballein (Tarmac, 2018, pour la première édition).

 

Anthologies/ recueils collectifs :

Traverser (éditions de l'Aigrette-Maison de poésie de la Drôme, 2019),

Rage écarlate (éditions Folazil, 2020).

Revues :

FPM, Cabaret, Lichen, Les Impromptus, Méninge, Nuit de boue (gazette réalisée en workshop avec Charles Pennequin), Salade, Alora (revue universitaire espagnole), Pojar.

Poèmes choisis

Autres lectures

Adeline Miermont-Giustinati, Sumballein suivi de le tunnel,

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