Valéry Meynadier, Le Dit d’Eurydice

Par |2023-06-21T10:23:16+02:00 21 juin 2023|Catégories : Critiques, Valéry Meynadier|

Cer­taine­ment un oiseau te suit, tu march­es sur un tapis vert, entourée de voiles pour­pres, que tu déchires à chaque pas. Ou bien, c’est toi qui suit l’oiseau Birdy, assurée d’a­vancer bien au-dessus des précipices. C’est cet équili­bre, le vol au-dessus du vide, et la puis­sance de ta marche, qui édi­fie ton écri­t­ure. Eury­dice ne dit plus l’im­puis­sance, ne se tait que pour mieux affirmer qu’elle appar­tient à son his­toire, la tienne, la mienne, la nôtre, et plus loin celle d’une human­ité où les femmes sont dev­enues aus­si des hommes par cap­il­lar­ité à force d’écri­t­ure qui recoud les déchirures de nos histoires.

Et si la fig­ure d’Eury­dice tra­vaille tou­jours les incon­scients, si son his­toire par­chemin arché­typ­al l’en­ferme, la tord, l’ex­pulse du champ des pos­si­bles, tu lui offres la vie. 

Mots qui joux­tent le fra­cas presque abouti, mais jamais arrivé, le poème sec­oue le silence, le met en demeure de cess­er de dire l’a­vorte­ment des pos­si­bles exis­tences de celle qu’on tait.

 

Valéry Mey­nadier et Dominique Bertrand, Le Dit d’Eury­dice, lec­ture et musique, début, Librairie Zeug­ma, Mon­treuil, le same­di 17 juin 2023.

tu me con­tais com­ment les fleurs poussent à tra­vers les murs
& com­ment les murs sax­ifrages se fanent avec les murs

avec ta lyre à neuf cordes
& tes yeux sauvageons
tu jouais avec les éléments
terre eau air feu
à hau­teur de ton enfance

moi, ton ombre sculptée
en proue

j’apparaissais dis­parais­sais
amour

en bas de page
appui à tous tes hymnes

Eury­dice remonte seule de tout enfer, de toute vie, de toute lignée, inter­pel­lée, femme, fille, mère, girons sécu­laires enfer­més dans des girons sécu­laires éven­trés grâce à ta poésie, ouverts, libres et fer­tiles, frag­men­tés dans ces croise­ments de paroles pos­si­bles, et portés par la musique de celui qui accom­pa­gne l’ou­ver­ture de cette langue apoc­a­lyp­tique, Dominique Bertrand. Pas Orphée, ni Eury­dice,  ni ombres indues du mythe, mais incar­na­tion d’un lien sub­tile entre le verbe et la musique, c’est à dire le son, et la sonorité.

entre les lignes, passe le couteau
cela fut-il dit ?
avec le sang des lettres
j’ose ma liberté

Valéry Mey­nadier, Le Dit d’Eury­dice, Musi­mot, 2023, 98 pages, 18 €.

Dit de toute asser­tion, qui sec­oue le lan­gage pour lui extir­p­er un nom, enfin audi­ble, parce que sor­ti du silence englouti dans les ténèbres, un nom sans vis­age, sans his­toire, et sans trace, ce nom de femme sans lignée, source de sa source, orig­ine et con­séquence de toutes les autres. 

Présentation de l’auteur

Valéry Meynadier

ValérY meY­nadier écrit depuis l’ailleurs un jour décou­vert. Sa mère par­tait. Où ? Ailleurs. Longtemps elle par­tait la mère alors l’enfant au fil des jours écrivait des let­tres à l’ailleurs de sa mère. Sans savoir que son méti­er d’écrire était en train de com­mencer. Elle avait 6 ans. Ses textes par­lent de l’impossible à nom­mer. Ils ont un air d’avant les mots. Quand les mots n’existaient pas encore. Chaque mot est pesé avant d’être posé dans la phrase. Elle n’hésitera pas à le débouter si l’écho ren­voyé n’est pas juste. Elle écrit avec des mots, de la motéri­al­ité, comme elle dit. En ate­lier d’écriture, elle part de là, d’une let­tre qui peut faire roman & qui fait mot si agencée à d’autres let­tres. Elle ne manque pas d’humour. Elle tra­vaille en mai­son d’arrêt, dans ce genre de milieu sans milieu, il est impératif de savoir rire de soi & du chaos environnant.

Son pre­mier roman Ma mère toute bue — est une ode au meurtre de la mère ! Freud s’est trompé; c’est la mère qu’il faut tuer. 
Son deux­ième roman Cen­tau­re est l’histoire d’une femme coupée en deux, en haut, elle est humaine, en bas, ani­male. Autrement dit, c’est l’histoire d’une pute. Com­ment on devient pute ? & pourquoi les hommes achè­tent de la viande humaine ? 
Ce livre est né d’une expéri­ence avec les filles des rues.
Son troisième livre par­le d’amour, de cet amour encore inter­dit en 1981, con­sid­éré comme une mal­adie. Divin dan­ger est l’histoire d’une femme qui aime les femmes.

Ce tout écrit dans un genre trans­genre, entre prose & poésie, jamais tout à fait l’un, jamais tout à fait l’autre. Fran­cis Ponge appelait ça de la proésie. Oeu­vrière, elle casse les gen­res, les mots, les rythmes…

valérY meY­nadier, ani­ma­trice d’ateliers d’écriture, est aus­si art-thérapeute, entre le soin & la créa­tiv­ité, entre la cica­trice & la signature. 
Elle fait des lec­tures publiques & par­ticipe à des ren­con­tres tous publics. 

Thèmes : crimes en tous gen­res (mat­ri­cide, inces­te etc). Pros­ti­tu­tion. Milieu car­céral. Alcool. Amour de tous gen­res, hétéro, homo etc.

Biogra­phie © MEL.

© Crédits pho­tos Ter­res de Femmes.

Bib­li­ogra­phie

Romans
– Ma mère toute bue, édi­tions du Chèvre Feuille-étoilée, 2007
– Cen­tau­re, édi­tions du Chèvre Feuille-étoilée, 2010
– Divin Dan­ger, édi­tions Al Man­ar, 2017 (dessins Albert Woda)

Poésie
– Présent Défendu, édi­tions La vil­la des cent regards, 2008

Nou­velle e.book
Entre (l’arbre chez le psy) aux édi­tions inter­net fr.blurb.com 2012 avec des encres de Marie-Lydie Jof­fre & une pré­face de Pas­cale Amara

En revues
Travi­o­le, Grèges, Supérieur Incon­nu, Mon­sieur Tou­s­saint Lou­ver­ture, Etoile d’encre, Souffles…

Prix d’excellence pour la nou­velle « Que la haine repose en paix » éditée par le Forum Femmes Méditer­ranée de Mar­seille 2006

Recueil de textes de per­son­nes détenues : Intérieur/Extérieur pub­lié avec L’ADDA Scènes Croisées & la Mai­son d’arrêt de de Mende, en Lozère 2006

Recueil de textes autour des ate­liers d’écriture : Balis­es pour un par­cours d’ateliers d’écriture pub­lié par la Région Paca & le Con­seil Général Bouch­es du Rhône 2007

Poèmes choi­sis

Autres lec­tures

Valéry Meynadier, Le Dit d’Eurydice

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Carole Mesrobian

Car­ole Car­cil­lo Mes­ro­bian est poète, cri­tique lit­téraire, revuiste, per­formeuse, éditrice et réal­isatrice. Elle pub­lie en 2012 Foulées désul­toires aux Edi­tions du Cygne, puis, en 2013, A Con­tre murailles aux Edi­tions du Lit­téraire, où a paru, au mois de juin 2017, Le Sur­sis en con­séquence. En 2016, La Chou­croute alsa­ci­enne paraît aux Edi­tions L’âne qui butine, et Qomme ques­tions, de et à Jean-Jacques Tachd­jian par Van­i­na Pin­ter, Car­ole Car­ci­lo Mes­ro­bian, Céline Delavaux, Jean-Pierre Duplan, Flo­rence Laly, Chris­tine Tara­nov,  aux Edi­tions La chi­enne Edith. Elle est égale­ment l’au­teure d’Aper­ture du silence (2018) et Onto­genèse des bris (2019), chez PhB Edi­tions. Cette même année 2019 paraît A part l’élan, avec Jean-Jacques Tachd­jian, aux Edi­tions La Chi­enne, et Fem mal avec Wan­da Mihuleac, aux édi­tions Tran­signum ; en 2020 dans la col­lec­tion La Diag­o­nale de l’écrivain, Agence­ment du désert, paru chez Z4 édi­tions, et Octo­bre, un recueil écrit avec Alain Bris­si­aud paru chez PhB édi­tions. nihIL, est pub­lié chez Unic­ité en 2021, et De nihi­lo nihil en jan­vi­er 2022 chez tar­mac. A paraître aux édi­tions Unic­ité, L’Ourlet des murs, en mars 2022. Elle par­ticipe aux antholo­gies Dehors (2016,Editions Janus), Appa­raître (2018, Terre à ciel) De l’hu­main pour les migrants (2018, Edi­tions Jacques Fla­mand) Esprit d’ar­bre, (2018, Edi­tions pourquoi viens-tu si tard), Le Chant du cygne, (2020, Edi­tions du cygne), Le Courage des vivants (2020, Jacques André édi­teur), Antholo­gie Dire oui (2020, Terre à ciel), Voix de femmes, antholo­gie de poésie fémi­nine con­tem­po­raine, (2020, Pli­may). Par­al­lèle­ment parais­sent des textes inédits ain­si que des cri­tiques ou entre­tiens sur les sites Recours au Poème, Le Cap­i­tal des mots, Poe­siemuz­icetc., Le Lit­téraire, le Salon Lit­téraire, Décharge, Tex­ture, Sitaud­is, De l’art helvé­tique con­tem­po­rain, Libelle, L’Atelier de l’ag­neau, Décharge, Pas­sage d’en­cres, Test n°17, Créa­tures , For­mules, Cahi­er de la rue Ven­tu­ra, Libr-cri­tique, Sitaud­is, Créa­tures, Gare Mar­itime, Chroniques du ça et là, La vie man­i­feste, Fran­copo­lis, Poésie pre­mière, L’Intranquille., le Ven­tre et l’or­eille, Point con­tem­po­rain. Elle est l’auteure de la qua­trième de cou­ver­ture des Jusqu’au cœur d’Alain Bris­si­aud, et des pré­faces de Mémoire vive des replis de Mar­i­lyne Bertonci­ni et de Femme con­serve de Bluma Finkel­stein. Auprès de Mar­i­lyne bertonci­ni elle co-dirige la revue de poésie en ligne Recours au poème depuis 2016. Elle est secré­taire générale des édi­tions Tran­signum, dirige les édi­tions Oxy­bia crées par régis Daubin, et est con­cep­trice, réal­isatrice et ani­ma­trice de l’émis­sion et pod­cast L’ire Du Dire dif­fusée sur radio Fréquence Paris Plurielle, 106.3 FM.

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