Varsovie, rue Hibnera, mai 1983

 

Quand nous sommes assis en un cercle étroit
dans ce logement comme suspendu
au-dessus d’une Varsovie enveloppée de chaleur et de peur,
parmi des fleurs sans  cesse renouvelées et des gens,
au milieu de la musique et de nombreux livres qui
ne donnent pas de réponse
à ce qui vient de se passer
quand – vivants – nous nous regardons
de crainte que demain ou après-demain
nous en puissions écouter ensemble l’Epitaphe
pour Wysocki ni pour une énième fois
relire ce poème de Wojaczek transcrit sur le mur :
« A notre bêtise et à notre misère
« A l’endurance dans notre folie… »
Dans cette chambre exiguë d’où la mort ne s’éloigne pas
Comme si elle nous voulait tous
Comme si nos conversations chuchotées
Rejoignaient les bruits dans la rue, d’une agonie collective,
Comme si l’on avait en même temps à nous tous
Rompu les foies, retiré l’air,
Comme si l’on avait transformé notre langage
En un jargon officiel comme si
L’on nous avait endormis
En nous interdisant de nous souvenir

Et quand une nouvelle aube tel un tueur à gages
S’insinue à la porte
Nous mourrons ensemble une fois encore

Poème traduit du polonais par Lucienne Rey.