Le « rien » revient d’une manière lancinante dans ce petit livre. L’auteur le personnifie, le densifie pourrait-on dire jusqu’à évoquer son sommeil au milieu des choses. Sommes-nous parfois conquis, happés par ce « rien » qui tremble ?
Mais il suffit d’une rencontre fortuite, d’une découverte de fleurs subites, d’un « ciel qui change » ou de « grelots tintements velours » pour énoncer autrement la vie.
Celle-ci, souvent brûlée de « douleur », celle-ci martelée des « riens » qui s’accumulent ?
Alors, « écrire » peut sans doute, en dépit des « mots pauvres », recoudre un peu le fil de ces riens, « juste écrire/ entre ces bords immenses » ; la poète consigne avec gravité, sans aucun pathos, l’immobilité fantôme du réel qui contrevient à la vraie vie, comme un « jour (qui) s’achève sans avoir commencé » ?
Énonçant les beautés et dans le même geste d’écrire leurs revers, âpres, discordants, Véronique Wautier assigne à la littérature le devoir d’éclairer les pauvres vies qui nous habitent, vœu que tant d’écrivains se donnent (qu’il suffise de penser aux derniers ouvrages de Sallenave et Ernaux).
Est-il seulement possible de contrer le « silence », de donner quelques ailes aux « mots (qui) tombent/ ils n’ont pas d’infini » ?
Le mot est tombé : pas d’infini, pas de croyance au-delà (« certains croient moi pas/ je marche sur cette jambe fantôme/ un bon appui en poésie/ nos poignées de main sont réelles »).
La réalité tangible, le recours à la poésie-étai, la force de l’ « aujourd’hui c’est le jour de la plus longue lumière » : le rien semble parfois lui-même comblé…
Mais la solitude, cette guetteuse, veille, et les vers sont terribles :
le poème capturé
on écrit seul
on finit par écrire à sa solitude…
être absent et terriblement concentré
ici et ailleurs
ailleurs et ici
Dans une écriture sobre, qui ne se paie guère de mots ni de métaphores clinquantes, la poète tient sans doute registre de ses peines profondes, dans un journal qui soit la juste distance entre ses mots, « le secours », entre « douleur et lumière ».
Partant de la lumière des « mâts de Nicolas de Staël » et celle des couleurs rafraîchissantes, bariolées et diluées d’Anne Slacik, Véronique a circonscrit la sienne propre, toute de constats sans appel, de brefs blasons qui mordent sur le réel, effrangeant le « rien », « la solitude » de quelques éclairs consentis.
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