Vincent Motard-Avargues, Je de l’Ego « Narration entaillée »

Je de l’Ego titre l’une des parties de cet opus signé Vincent Motard-Avargues, où se déclinent les multiples identités éclatées de Noé Vida l’anti-héros, rassemblant les vies de ses Je sans moi. Bilan d’une vie, ou d’une non-vie ? Compte-rendu poétique fictionnel d’une résonance sensible en nos temps qui courent, où tous nos repères tombent, armatures socio-professionnelles, familiales, psychologiques etc.

À l’instar du célèbre jeu de construction au succès toujours d’actualité, l’identité d’une « Je de l’Ego » assemble ici les éléments -brique à brique- de ses différents moi, pour les reconstruire si possible dans un parcours chaotique en lignes brisées et dans une ascèse poétique qui ne manque ni de lucidité ni de causticité en fin de compte. Dresser par la vertu d’une veine poétique ajustée un constat désabusé de l’existence peut (r-)éveiller la conscience.

De « Ce qui reste » (clin d’œil à la revue numérique dirigée par Vincent Motard-Avargues), après un effondrement de tout l’être, que reste-t-il à dire/à écrire, à l’approche du « Siddharta (ou presque) », après avoir ouvert les « Matriochka » des choses à découvrir/des êtres à rencontrer ? Que reste-t-il de « Tout », de « toi », de ce « tu » toujours à connaître, « et » du « Je de l’Ego » ? ― « Un truc qui court », « la Paix », « un oui sans fin » ? …

Vincent Motard-Avargues, Je de l’Ego « Narration entaillée », éd. du Cygne, 91 p., 12€.

Dans un jeu de déconstruction du langage et du rythme, dans un jeu de reconstruction d’un cosmos au « logos » reformulé par une poésie reconfigurant au passage du temps la singularité d’un monde -celle d’un quidam en perte du Sens probablement à donner au cours de son existence, à l’arrêt ou plutôt en pause dans une crique où l’abordage pense jeter l’ancre définitivement, ou lever à nouveau les voiles par le large insufflé par la force régénératrice d’une encre poétique- Je de l’Ego invite au voyage d’une descente dans les eaux du silence et du retrait qui, paradoxalement, maintient le cap de l’espoir.

Avec la folle allure d’un Je s’écrivant, feuilletant les pages de son histoire depuis la crique d’existence où il entame de tourner le film de sa vie. Dans une langue dépouillée, comme épurée, dont la densité des mots, leur puissance poétique, refait le monde à l’image d’un Je sans moi revenu de tout, aux facettes kaléidoscopiques dont chacun a pu entrevoir déjà la fragilité au cours de sa propre expérience de vie, des peines aux déceptions écopées jusqu’aux joies égrenées.

Poésie singulière émouvante dans ses Chants et danses syncopées, joués dans la fluidité arythmique de flashbacks et d’instantanés reformulés pour mieux en saisir l’épopée personnelle/universelle. Pour s’en délivrer aussi, peut-être, qui sait ?

 

je sais
je le sais
mots
rêve
espoir
ce qui
se dit
s’écrit
cette lueur
cette absence
antique saison
du feu
flamme subtile
du temps
l’éternité
je sais
je le sais
comme on vit
comme on respire
un oui sans fin

 

Le Poème n’est-il pas cela, un Je de l’Ego : « un oui sans fin » ?

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