CONJUGALE EMBARDÉE
A grandes enjambées
Par orages et trouées
Flaques océaniques
Et continents de boues
Ton noir transatlantique
Ignora le récif
Et la masse critique.
Tu te réveilles tard
Sur un triste billot
Tu palpes la nuit noire
Adieu la religion
Et les sourdes antiennes
Ta lente expiration
Raclait le sol pierreux
Amolli autrefois
Par des galets vicieux
D’une couche nuptiale.
Vois ton amour dévot
Tomber sous les étoiles.
Tu te réveilles enfin
Tu rassembles tes os
Tu saisis le falot
Vive la dérision
Des cimes assassines !
Et ta lente ascension
Éloigne le destin,
Adoucie quelquefois
Par le ballet joyeux
De fleurs luisantes et vagues.
Vois ton amour nouveau
Glisser sur les étoiles !
NOCES
Noces
N’ose
N’os
La chair de la mariée
Sonne mollement
DANS LE BLEU
Dans le bleu se cachent
Les auréoles de jeunesse
La jambe agile se lâche
Afin qu’aujourd’hui naisse
La gaze halée de ta face
Sur un parchemin tiède
Et doux, que se défasse
L’étau de ta cuisse laide
D’avoir refusé l’ardeur
De ma vie brûlante
Prise dans ta froideur
ET SI
Et si cette vie
Éviscérée
Cette vie serait
La balle arrondie
Et rebondissante
De ta rêverie
Bulle
D’un môle où brille le phare
De ton aller simple
Par marée montante
La mer en allée
Bave sur les rochers
Et donne une claque
Au phare avancé
EAU CRITIQUE
Mon œil à la dérive
chien crevé gueule ouverte
Sur la pente du croissant lunaire
Rassemble quelques images
Volées à la vie tiède
En un bouquet décadent.
C’est la plainte inaudible
Des horizons translucides
Où se perd l’enfant morne.
Piquées dans le fruit mûr de ta tristesse
Quelques fleurs renaissent et explosent
Comme des astres qu’oppresse
Le vide où elles sont encloses.
Ma fête et ses flonflons
S’anime en petit comité
De bestioles ironiques
Qui trinquent dans l’ombre
D’un grand clown sans espoir
PIRATERIE
La toile délicate qu’inconséquemment – c’est toi
tu tisses jour et nuit pour attraper la note rare
vient d’être crevée
par un boulet véloce tiré par un pirate
ce n’est pas pitrerie hélas il ne rit pas bien
ce boulet railleur comme le crâne d’Holbein
Ambassadeur pressé du nouveau monde !
Météorite tombé dans mon jardin
tu pèses sur les oignons – les miens –
prêts à éclore du potager
Il n’y aura pas de fleurs !
Le poète se dit alors
que c’était bien la peine d’œuvrer pour le subtil
au milieu des bombes
Tu peux travailler autant que tu le peux l’élasticité du poème il ne sera jamais jamais et non jamais
étiré
comme la fronde du postier qui rend le projectile à l’envoyeur
ni hamac assez solide pour reposer au-dessus des décombres sous la main du vent
Non tu ne seras pas vengé
injuste retour des choses
Entre boulet et toile d’araignée
il n’y a pas d’équité
Alors il faudra troquer la soie fragile
contre le rêche fil de chanvre
Relancer la corderie
hisse hisse haut matelot et fort il est l’heure
d’installer la nouvelle encablure
qui soutient le gréement compliqué
de tes rêves impossibles