Poète et dessi­na­teur, admi­ra­teur d’André Bre­ton, il fait par­tie du Groupe Sur­réal­iste de Meknès(Maroc) dans les années soix­ante-dix. Mostapha Fadel est l’auteur de Chants Mul­ti­ples et de Dires à Qua­tre, recueils de poésie où le poète rétablit à tra­vers son écri­t­ure les valeurs du Dadaïsme et du sur­réal­isme ain­si que son attache­ment incon­di­tion­nel à la pen­sée d’A. Breton.

L’auteur désar­tic­ule la langue on se ser­vant de la musique des mots qu’il malaxe, trans­forme au gré de ses inspi­ra­tions sans crain­dre les approx­i­ma­tions hasardeuses de la langue.

Dans ses qua­trains, c’est le sens intime de la société qui est pré­texte à la déri­sion, aux fatrasies qui se présen­tent au lecteur sous leurs formes trans­fig­urées, absur­des et en marge de « la rai­son ». A. Bre­ton dit que ‘’l’image sur­réal­iste la plus forte est celle qui présente le degré d’arbitraire le plus élevé, celle qu’on met le plus longtemps à traduire en lan­gage pra­tique, soit qu’elle recèle une dose énorme de con­tra­dic­tion appar­ente, soit que l’un de ses ter­mes en soit curieuse­ment dérobé (…) soit qu’elle déchaîne le rire ‘’

Les Dessins qui accom­pa­g­nent les qua­trains ont été réal­isés par Mostapha Fadel entre 1970 et 1980. On retrou­ve dans ses dessins ce même désir de révolte con­tre les tra­di­tions, con­tre le clas­si­cisme, enten­du ici comme une bar­rière à la lib­erté d’expression du corps et de l’esprit.

Nass­er-Edine Boucheqif

 

Dires à Quatre


A

Alpha dis­aient les Premiers 
A nous la main tes bais­ers langue venter
Autour et tout à tour paroles à chanter
A nous pay­er tribu si vils nous entrav­es fait

B

Bach efface réécrit et sou­vent fugue ou toquade
Bref tout siè­cle inven­ta dialogue
Basse ou con­tre sa musique tonne encore toujours
Baisez mains et doigts à cet homme je dois tout

C

C’est qui manque au tri­an­gle faire carré
Comme la plume au papi­er devenirs
Con­tes ou réc­its nos enfants entendent
Car à eux jamais musiques je ne tairai

D

Dahomet dis­ait sais seules femmes manquaient
Diag­o­nale voix les hommes non écrits mentaient
Dires je sais grand homme que c’était
Diantre que de nous faits quand la parole se tait

E

Evidem­ment bien à toi tout honneur
Enfant ta langue fait vies je revis
Entrains lacus­tres je te sub­tile les jours chaloupés
Et quand dans ma bouche beau devient tout mot

F

F’é l’indien ou le clown content
Fusils tuent jamais à ta main
Formel soit Kant les Hommes s’absentent ou guerre
Fer­mat le beau Infi­ni tu sais à toi Don­na écrits

G

G’ai tu me fais aimée libre espace lagunaire
Gail­larde toute let­tre aus­si que j’écris
Gar­dons alors ce que César a cru avoir
Gageons deux nos bras cueil­loirs lunes et étoiles

H

Haï haï ma mère dis­ait quand étonnée
Halenée elle de saveurs d’Orient
Hâtive de la main écar­tait tout mau­vais grain 
Houdre le blé pain à moult offrit

I

Il pleut c’matin petit brouil­lard léger
Idiomes s’annoncent verticaux
Ici Rie­man quo­tient juste fine pluie
Impéné­tra­ble non sauf pour âme qui luit

J

Je suis désirs racinaux
Jeûneur mais dix andouillers de chaque côté 
Joail­li­er aus­si faire votre bouche collier
Justes joies quand les marées Lune vous vois

K

Kan­tor prêtre oui mais défro­qué partout
Kil­iare non mais immen­sité tu eus provo­qué profané
Kyrie tu tuas j’suis tout comme toi
Khan toi voilà le monde tourne mieux comm’ça

L

L’orpailleur du temps tout radicant
Luxe ou lyre à peine le corps courbé 
Luisent dans sa poigne les derniers bais­ers donnés
Lui là jamais las tou­jours près Or à redonner

 


M

Mal masqué le poète âtre a dit
Main aus­si tâte point ne rature
Mots râles quand le doigt désigne
Main­tenant que tan­gent l’aqueduc libre s’écoule

N

Non c’est bon mot et remots à dire
Nul voilà tout homme qui impose
Néga­tive ou nar­ra­tion mon équa­tion fulmine
N’à peine dit je me mets rouge colère

O

Œil  bour­dons vents entend
Oreille cyclopes courbes voit
Organ­isons alors comme se doit
Oh et que bien l’Amour y soit

P

Partout entends dire
Par là Homme ne vit
Pour­tant j’y suis inté­gral amis entouré
Par dia­ble on ne voit plus ou coi

Q

Quand lève le matin
Quant aux mau­vais rêves pas de quartier
Quan­tique tout à fait invite le jour 
Quar je me sors du bon pied voyons

R

Restons par­al­lèles Lobatschewsky s’en va
Rient les moqueurs aus­si Euclide s’y joint
Réso­lus ce point nous l’aurons
Rien ne sert vite réin­ven­tons le temps

 

S

Suis là deux sans être las voyance
Sûr je vous regarde le coeur y est
Sauriez-vous faire le geste le pas
Saluez et dix comme il se doit

 

 

T

Tin-tin dis­ent les enfants polissons
Tiens aus­si camps les choses mal vont
Te retiens moi seule­ment te faire digne vingt grand
Tutoies tu dois ta beauté me fait homme qui voit


U

Ums d’Egypte vio­lées des vingt sacrifiées
Ulalas cent aus­si des femmes berbères
Usurpée mil­lé­naire leur beauté perdue
Une fois osons usons armes ces hommes tomber fer

V

Viens mon enfant chéri face droite
Visi­tons ter­res où passereaux accueil­lent font honneur
Venise et Milan aus­si étales d’épices
Vois-tu car Rome à nous ne fait plus peur

W

Walou makache le vil se brossera
Wan­dales hus­sards passez nos pas comptent 
Words et mots à nous par eux périrez tac
Woyons la main donne ne frappe que le tyran

X

Xa tienne bon­té divine dix fois même
Xé tu march­es et soulèves clairs de Lune
Xénélasie pour­tant ta bouche m’a fait abri
Xylestes toi et moi que Grenade est belle savourons

Y

Yro­quoi y’a plus enivrés coulés
Yron­delles se cachent coup de fusil ou gun
Yro­glyphes dérivés vendus
Yls veu­lent plus quoi encore

Z

Zif­fle mon enfant point d’interdits
Zange tu es bavardages Anciens oubli
Za plusieurs lende­mains tu feras
Zappe Rap pas celle-là musique point ne te grandit

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