W.B. Yeats, Ainsi parlait Yeats, Dits et maximes de vie choisis et traduits de l’anglais par Marie-France de Palacio
Dans sa présentation, la traductrice Marie-France de Palacio précise que Yeats est assez peu connu en France. Il est donc à découvrir en tant qu’écrivain exigeant tant dans le contenu que dans la forme donnée à ses écrits.
De culture imposante, il ne la met cependant jamais en avant tout comme il demeure particulièrement critique avec lui-même, toujours revenant sur ses écrits. Simples d’expression, ces derniers sont capables de dire le plus complexe. Le savoir de Keats est sous jacent à sa pensée. « Il suffit à Yeats de quelques mots, tout au plus de quelques phrases, dont la construction déroute parfois, pour esquisser une vérité philosophique simultanément terrassante et exaltante », nous dit la préfacière.
Les textes choisis offrent tout un pan de la création de l’auteur s’inscrivant entre 1889 et 1939 autour des genres adoptés par l’auteur : théâtre, poésie et essais. A travers ses thèmes, Yeats est un mystique dans l’âme sans séparation avec la réalité de l’existence. Pour lui, il s’agit de regarder en dedans de soi, d’être à l’écoute de son cœur afin de s’orienter vers un savoir juste. Il fixe des constats, dressant parfois des incompatibilités radicales : l’amour est différent de l’amitié, l’un est champ de batailles, l’autre pays tranquille. Vieillissant, il parcourt ce qu’il fut afin de considérer qu’il est devenu « rien ». Un certain pessimisme peut envahir les fragments renvoyant au passé. Cependant, il n’est pas sans énergie puisqu’être au-devant demeure un mouvement qui le mène.
W.B. Yeats, Ainsi parlait Yeats, Dits et maximes de vie choisis et traduits de l’anglais par Marie-France de Palacio, Paris : Edition Arfuyen, édition bilingue, 2021, 174 p, 14 €.
Il affirme « la révolte de l’âme contre l’intellect » dans « l’époque usée » qu’est la sienne. Il désire que l’imagination, l’émotion, les états d’âme, la révélation conduisent la vie humaine. Pour lui, une certaine évolution de la société est la source d’un éparpillement : « notre vie au sein des villes, qui assourdit ou tue la vie méditative passive, et notre éducation, qui élargit le champ de l’esprit isolé et autonome, ont rendu nos âmes moins sensibles. » Observant les comportements de ses concitoyens, l’auteur constate un certain déclin. Une maxime en est une des traces : « Quand la vie individuelle ne se réjouit plus de sa propre énergie, quand le corps n’est pas fortifié et embelli par les activités de la vie quotidienne, quand les hommes n’ont pas de plaisir à orner leurs corps, on peut être certain de vivre dans un système voué à disparaître, parmi les inventions d’une vitalité déclinante. » Les maximes fixent des comportements et des morales : « Dans la vie, la courtoisie et la maîtrise de soi ; et dans les arts, le style, sont les marques les plus évidentes de l’esprit libre […]. » Yeats croit en la poésie et ses mots renvoyant à une symbolique et, par voie de conséquence, à leur au-delà à condition qu’elle engendre la réflexion. Et il y a cette dernière maxime flamboyante inscrite en quatrième de couverture : « Nous commençons à vivre lorsque nous avons compris que la vie est une tragédie. »
Yeats trouve un avantage lié au vieillissement qu’il vit plutôt bien dans le sens où la joie, terme fréquent sous sa plume, se trouve décuplée et le cœur plein ; ce qui représente une force pour faire face à la « Nuit grandissante / Qui ouvre les portes de son mystère et de son effroi ». Rempli de cette énergie qu’il n’espérait plus, sa quête prend fin avec la possibilité « de consigner ses pensées les plus fondamentales ».