Lorsque, à travers des mots gauchement arrangés,
On tente de montrer un peu le capharnaüm
Où sont mêlées choses récentes, vieilleries, incohérences,
Et que nous appelons «le monde» comme s’il
Était celui de tous et non pas seulement le nôtre,
Les lecteurs raisonnables se détournent, — «Non !
Cela, on n’y comprend rien ! C’est sans bon sens !»
.
On dirait des enfants qui ont quitté le littoral
Pour la première fois et qu’on amène prudemment
Dans les vaguelettes salées de la mer, et ils gigotent
De leurs petites jambes courtes et semblent pris
D’une irrépressible frayeur devant la verdeur mouvante
Qu’ils surplombent depuis les bras de leurs parents.
Car ces parents sont les poètes, ils ont l’âge
.
De la mémoire de l’espèce humaine, par-dessus
Les collines des siècles du futur, ils devinent ce qui vient,
Par-dessus celles du passé, ils ressassent les leçons
Oubliées en très peu de générations ! Ainsi que l’olivier
Leur tâche poétique est tout ensemble de prescience, -
De présage en pleine clarté du soleil, – tout autant que
De souvenir et de rêveries lunaires sur ce qui eut lieu.
.
Chaque vers qui en rend compte est un fragment de vie
Encore chargé d’énergie et non pas mort comme les autres
Oeuvres dont les humains tirent tant de fierté, les films,
Les enregistrements de toutes sortes, les photographies,
Cela, tout cela qui forme la version moderne du Déluge,
Et qui fige dans la tête des humains ce qu’on appelle encore
Imagination, par les machines changée en fabrique d’images.