Yves Caro, Singe, Agnès Valentin, Trouer la nuit

Possibilité des signes, réalité du singe : Yves Caro

C’est pratiquement un descendant (voire ascendant) du poète anglophone Synge, que le Singe de Caro fait signe en une écriture plus enjouée que désespérée. Nous accompagnons ici son cheminement de  croix plus ou moins famélique que gaélique en 49 station où le héros finit en histrion avant de quitter la scène.

Ce parcours révèle la vie aux champs, foires marché, cirque et une existence de clown dont celui-ci est fait plus par le nez rouge que par son métier. Mais existe une chasse gardée dans les vicissitudes du sens et des non-sens au cœur d’une rythmique endiablée. Caro impressionne par sa verve. Sous les signes de Singe il affiche  ses incertitudes dont il reste possible de détecter les croyances païennes. En conséquence, son héros fut et reste bien plus ancien et neuf que nos ancêtres.
L'expérience de Singe sert de base à recomposer sa sagesse dont une Sophie fut l’aimée et lui le cavalier dont les aventures et accessoires sont ramenées en un spectacle des plus convaincants.  Jailli e pages en pages une forme de dialecte comique où la langue survit même si elle n’est pas crue. Singe nous rapporte ce qui est permis  d'entendre tout ce qui se disait même si des critiques pourraient le fustiger.
Caro refuse d'idéaliser un tel personnage sans scrupules. Il le représenter sans s’en indigner. Surgit alors la possibilité d'une poésie tournant le dos au classicisme et à l’ idéal pour un état  convivial, primesautier, révélé en dehors des réalités fondamentales de la vie - lesquelles ne sont jamais fantastiques.
Au lyrisme et à la boue, Caro le démystificateur préfère ce qui arrive - jusque dans le langage - de manière enjouée. Aprèsl’expérience d’un Armand Robin, en ce qu’elle avait de fragile, de novateur, l’auteur devient la source de ce Singe avatar du poète maudit, se sacrifiant lui-même bien que son métier devienne un temps la vie dans ce chef-œuvre. S’y découvre celui qui s’efface lorsque le rideau tombe.

Yves Caro, Singe , Louise Bottu éditions, 2025, 60 p. , 10 €.

Une telle expérience, vise à faire éclater les limites du genre poétique qui échapper au commerce littéraire habituel. Le tout en un petit milieu reclus, se reproduisant et secouant sans fin à la perdition de celui qui s’y laisse prendre. Mais il est totalement libre, et c’est cette liberté qui compte. 
S’y découvrent des affirmations qi se contredisent mais en début de vérité par étapes. Elles ouvrent une réflexion subversive. Le tout en une complainte jouissive  où tout cela n’a aucune cohérence apparemment mais elle parait miraculeuse en répondant si précisément à ce que chacun cherche dans la poésie du temps. L’auteur propose donc là un chaînon manquant.

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Agnès Valentin : la vie où tout est permis

Dans ce superbe livre la vie est là.  Avec lucidité et humour. Car certes il y a des avanies (type Covid) mais pas questio de se couper la langue. La poésie d’Agnès Valentin incite à ne pas caricaturer des distinctions négatives mais elle les nuance. Le tout dans une profondeur signifiante et connotative dues mots « confettis » solidaire de l’existence. Et à chacun de se dépasser mutuellement pour laisser vibrer, dans toutes les acceptions possibles, ce que nous appelons  la corde sensible  de la vie (et de la créatrice.)

Il y a eu les vagues successives de Covid et des canicules qui isolent, épuisent. En dépit de telles affres, l’auteure ne cesse de poursuivre, l’esprit toujours vif même parfois l’épuisement a gagné son corps. Mais comme une mèche, elle rebique. Avec, en prime, l’envie de découdre avec le sexe, et toute forme d’hédonisme. C’est ainsi découvrir ce que nous ne connaissons pas dans ce que nous connaissions déjà. Après tout, les Champs-Élysées, la place de la Concorde et la place Montparnasse le soir se découvrent comme on n’a pas encore jamais vu Paris comme cela. Même si les autres le voient tous les jours.
 Dans le désir d’écrire et d’aimer un homme (ou "l’intrus") de façon délibérément subjective , Agnès Valentin nous éloigne des fictions rocambolesques ou à thèse. Nous sommes embarqués dans un immense travelling de l’infime au géant transfiguré,  D’où cette poésie de l’affection, sans affectation. 

Agnès Valentin, Trouer la nuit, Editions Au Salvart, 2024, 82 p., 13 €.

L’auteure prend la vie, le redonne, la partage, lectrice et lecteurs compris. Sa poésie s'emparant non seulement des images mais des littératures pour ouvrir le monde qui nous reste. Mais pas n’importe lequel : celui où  tout est permis.

Présentation de l’auteur

Agnès Valentin

Comédienne et metteuse en scène, Agnès Valentin a très tôt éprouvé une passion pour les mots qui l’a conduite vers le théâtre. À la suite d’évènements marquants, sa lecture assidue de la poésie et des grands textes a suscité chez l’autrice une nécessité d’écrire. Fauchée par le virus de 2020, elle vit désormais avec un corps empêché comme si un intrus s’y était durablement installé. Atteinte d’un Covid long, Agnès Valentin lutte dans son premier livre Trouer la nuit avec ses mots et ses poèmes. Elle évoque la traversée de sa maladie à l’évolution incertaine, avec ses vertiges et ses contraintes, mais aussi les éclaircies salutaires que lui apportent l’Aimé, la voix qui naît de ses poèmes et la mer, lieu de tous les possibles.

© Crédits photos (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

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